Neuf pays, dont le Canada, ont suspendu leur contribution financière à l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), après des accusations portées par Israël selon lesquelles des employés de l’organisation seraient impliqués dans l’attaque du 7 octobre. Essentielle à l’acheminement de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, l’agence craint les répercussions sur les civils.

 

Arrêt temporaire de toute aide financière

Emboîtant le pas aux États-Unis, plusieurs pays, dont le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie, la Finlande et l’Allemagne, ont annoncé depuis vendredi l’arrêt temporaire de toute aide financière supplémentaire à l’UNRWA. L’agence onusienne se trouve sur la sellette depuis que les autorités israéliennes disent croire en l’implication « de plusieurs de ses employés » dans l’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier. En réaction à ces accusations, Ottawa a annoncé la « suspension de tout financement supplémentaire » à l’agence, le temps qu’une « enquête approfondie » soit menée sur ces « allégations ». « Le Canada ne réduira pas son soutien à la population de Gaza, et il continuera à travailler avec d’autres partenaires pour lui fournir une aide vitale », a assuré le ministre du Développement international, Ahmed Hussen.

Une sanction dénoncée par l’agence

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Palestiniens fuyant samedi les combats dans la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza

C’est que l’agence onusienne – dont le financement provient quasiment entièrement des pays occidentaux – joue un rôle central dans l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, où les combats meurtriers se sont poursuivis samedi. « Suspendre l’aide financière signifierait couper l’accès à toute aide internationale possible à Gaza », résume le directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaire, François Audet. « Tous les programmes d’éducation, de santé, d’assainissement, c’est elle qui s’en occupe. Elle opère toute la distribution de l’aide internationale », explique-t-il. Créée en 1949 dans la foulée du premier conflit arabo-israélien, l’agence a pour mission de fournir une assistance humanitaire aux réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, mais aussi au Liban et en Syrie. Samedi, le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a dénoncé la décision des pays donateurs de suspendre une aide vitale, dont dépendent deux millions de vies. « Je suis choqué que de telles décisions soient prises sur la base du comportement présumé de quelques individus, alors que la guerre se poursuit, que les besoins s’aggravent et que la menace d’une famine plane », a-t-il déclaré sur X.

Douze employés en cause

Tout en soulignant le « rôle essentiel » de l’UNRWA à Gaza, les États-Unis ont fait valoir vendredi l’importance que l’agence « réponde à ces accusations et prenne toute mesure corrective appropriée ». Vendredi, l’agence humanitaire s’est séparée de plusieurs employés – 12, selon les États-Unis – accusés d’être impliqués dans l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël. Selon François Audet, la réaction des pays donateurs est « compréhensible ». « Ça ne serait pas acceptable, notamment aux yeux du public, de fermer les yeux sur ces allégations », affirme-t-il. « En même temps, il faut pondérer les choses. L’agence, c’est à peu près 30 000 employés. Douze personnes, c’est un très petit nombre », fait-il remarquer. Le Hamas a demandé « aux Nations unies et organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage », accusant Israël de vouloir priver les Gazaouis de toute aide internationale. Et le ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne, Hussein al-Cheikh, a appelé les pays retirant leur soutien à l’UNRWA à « revenir immédiatement sur leur décision ». L’agence, a-t-il martelé, a « besoin d’un soutien maximal […], et non qu’on lui coupe soutien et assistance ».

Israël veut en finir avec l’UNRWA

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Des civils constatent les dommages dans une maison après un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, samedi.

Israël a déclaré samedi ne plus vouloir que l’agence onusienne joue le moindre rôle à Gaza après la guerre, appelant à favoriser des agences « sincèrement dédiées à la paix et au développement ». Depuis longtemps, le pays accuse l’organisation de « perpétuer le conflit » israélo-palestinien en entretenant l’idée – qu’il rejette – du droit au retour des réfugiés palestiniens. Israël avait notamment salué l’initiative de l’ancien président américain Donald Trump de couper l’aide annuelle de 300 millions à l’agence durant son mandat. Washington a repris ses versements à partir de 2021, après l’élection du président Joe Biden.

Les combats continuent

Il est primordial que les pays donateurs rétablissent l’aide financière le plus rapidement possible, estime François Audet. « Les Nations Unies doivent rapidement faire la preuve que des mesures ont été prises au vu des allégations et que l’agence est désormais capable de mener à bien son mandat », souligne-t-il. Pendant ce temps, la guerre ne connaît aucun répit dans la bande de Gaza. Selon des témoins, les combats se sont poursuivis samedi dans le sud de l’enclave, notamment aux abords des deux principaux hôpitaux, Nasser et al-Amal. La Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l’ONU, avait appelé vendredi Israël à empêcher tout acte éventuel de « génocide » à Gaza et permettre l’entrée de l’aide humanitaire.

Avec l’Agence France-Presse