D’intenses combats font rage mardi à Khan Younès, principale ville du sud de Gaza, au moment où le chef de l’ONU s’active en coulisses pour tenter de convaincre des donateurs échaudés de maintenir en pleine crise leur soutien à l’agence pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).

Au cours de la nuit, des témoins ont fait état de frappes israéliennes dans plusieurs secteurs du sud et du centre de la bande de Gaza, et le Croissant-Rouge palestinien de tirs d’artillerie autour de l’hôpital al-Amal de Khan Younès.  

Le ministère de la Santé du Hamas a dénombré de lundi soir à mardi matin au moins 128 morts, dont des « dizaines » à Khan Younès, où la situation demeure critique dans les principaux hôpitaux locaux.

« Au cours des dernières semaines, nos opérations se sont concentrées sur Khan Younès […] qui est la capitale du Hamas pour le sud de Gaza », a déclaré le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari, faisant état de « plus de 2000 terroristes éliminés » dans cette ville.  

« Nous opérons sur terre et sous terre de façon simultanée. Il s’agit d’un nouveau mode d’opération qui comprend l’usage de technologie de pointe dont certaines sont déployées pour la première fois », a-t-il déclaré sans épiloguer sur ces technologies.

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens arrivent à Rafah après avoir dû fuir la ville de Khan Younès.

En parallèle, les craintes d’une plus importante extension du conflit ont ressurgi après la mort de trois soldats américains tués en Jordanie dans une attaque de drone, imputée par Washington à des groupes pro-Iran, sur fond de tensions au Yémen, en mer Rouge, en Irak, au Liban et en Syrie…

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a d’ailleurs indiqué lundi soir que des soldats postés à Gaza « montent vers le nord (du pays) et se préparent pour la suite », une référence à la frontière israélo-libanaise, théâtre d’échanges avec le Hezbollah, soutenu par l’Iran et allié du Hamas.  

Et selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) des missiles israéliens ont visé dans la nuit « une base du Hezbollah libanais et des Gardiens de la Révolution », l’armée idéologique du régime iranien, faisant huit morts, dans la banlieue de Damas.

« Très sombres »

Ces incidents coïncident, sans lien direct, avec une crise à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dont 12 de ses 30 000 employés régionaux sont accusés par Israël d’être impliqués dans l’attaque du Hamas le 7 octobre.

PHOTO AMR ABDALLAH DALSH, ARCHIVES REUTERS

Un camion de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens traverse la frontière à Rafah.

L’attaque sans précédent du Hamas ce jour-là en sol israélien a entraîné la mort d’environ 1140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

En riposte, Israël a juré d’« anéantir » ce mouvement islamiste, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et lancé une vaste opération militaire qui a fait 26 637 morts, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, selon le ministère de la Santé du Hamas. Et la Cour internationale de Justice (CIJ) a appelé Israël à empêcher tout éventuel acte de « génocide » à Gaza.

Peu après les accusations contre l’Unrwa, 12 pays donateurs, dont les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et désormais la Nouvelle-Zélande, ont suspendu leur financement à l’agence dans l’attente que la lumière soit faite sur ces allégations.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Une jeune Palestinienne fuit Khan Younès, le 29 janvier 2024.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, dont le pays est le premier bailleur de l’Unrwa, a jugé lundi « impératif » que cette agence enquête sur ces accusations tout en qualifiant son travail à Gaza « d’absolument nécessaire ».  

Les suspensions ont été vivement critiquées par les Palestiniens et des ONGs tandis que le N.1 de la diplomatie israélienne Israël Katz a annulé une réunion prévue mercredi avec le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, dont il réclame la démission.  

D’ici là, le grand patron de l’ONU Antonio Guterres réunit, dès mardi à New York, les principaux donateurs de l’agence pour tenter de maintenir son financement d’autant que la situation humanitaire dans la bande de Gaza est critique avec en filigrane le risque de famine.

« Son message aux donateurs, notamment ceux qui ont suspendu leurs contributions, est d’au moins assurer la continuité des opérations de l’agence », a déclaré lundi soir son porte-parole Stéphane Dujarric. Sans ce financement, « les perspectives pour l’UNRWA et les millions de gens qu’elle aide […] sont très sombres » a-t-il ajouté.  

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Des Palestiniens fuient la ville de Khan Younès, le 29 janvier 2024.

« Nous vivons de l’aide que nous apporte l’Unrwa. Si elle s’arrêtait, nous mourrions de faim et personne ne viendrait à notre secours », confie Sabah Masabih, 50 ans, à Rafah, ville à la pointe sud de la bande de Gaza où se sont réfugiés environ 1,3 million de Gazaouis.  

« Espoir » de trêve

En marge des combats à Gaza et de la polémique sur l’Unrwa, des tractations se poursuivent en coulisses – sous l’égide du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis – en vue d’une nouvelle trêve, après celle de novembre.

Un cadre pour une trêve accompagnée de nouvelles libérations d’otages va être transmis au Hamas, a annoncé lundi à Washington le premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, faisant état de « progrès notables » lors d’une réunion dimanche à Paris entre le directeur de la CIA, William Burns, et de hauts responsables égyptiens, israéliens et qataris.

Selon le New York Times, le projet d’accord impliquerait une trêve de deux mois et la libération de tous les otages contre des prisonniers palestiniens détenus en Israël, selon le New York Times.  

« Un travail très important et productif a été accompli », a déclaré lundi soir le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, en ajoutant : « Il y a un réel espoir pour l’avenir ».