La menace d’une offensive israélienne persiste dimanche contre Rafah, ville du sud de la bande de Gaza où le Hamas redoute « des dizaines de milliers de morts » parmi la population civile qui bénéficiera d’un « passage sécurisé » pour en partir selon le premier ministre israélien.

Plus de 1,3 million de Palestiniens vivent à Rafah selon l’ONU, dont une grande majorité des civils ayant fui la guerre qui fait rage depuis quatre mois entre Israël et le Hamas. Benyamin Nétanyahou y a ordonné mercredi la préparation d’une opération militaire.

« La victoire est à portée de main. Nous allons le faire. Nous allons prendre les derniers bataillons terroristes du Hamas et Rafah, qui est le dernier bastion », a déclaré M. Nétanyahou dans un entretien à la chaîne ABC News qui sera diffusé dimanche et dont des extraits ont été diffusés samedi soir.

« Nous allons le faire tout en assurant un passage sécurisé à la population civile pour qu’elle puisse quitter » les lieux, a-t-il ajouté.

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Des Palestiniens pleurent leurs morts, à Rafah, le 10 février.

Le Hamas a mis en garde « contre une catastrophe et un massacre qui pourraient aboutir à des dizaines de milliers de martyrs et de blessés ».

L’opération israélienne suscite l’inquiétude à l’étranger et notamment en Arabie saoudite, dont la diplomatie a prévenu samedi « des répercussions très graves » sur la population civile d’un assaut contre Rafah.

« La violation continue du droit international et du droit humanitaire international confirme la nécessité d’une réunion urgente du Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher Israël de provoquer une catastrophe humanitaire », ajoute le communiqué de Riyad.

Samedi, de nouvelles frappes israéliennes ont visé Rafah, tuant cinq policiers, selon des sources de sécurité palestiniennes. Les forces israéliennes ont indiqué que deux hauts responsables militaires du mouvement islamiste palestinien avaient été tués dans l’une de ces frappes.

L’Unrwa ciblée

L’armée et l’agence de la sécurité intérieure israéliennes ont par ailleurs affirmé samedi avoir découvert dans la ville de Gaza un tunnel du Hamas sous le quartier général de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

L’organisation, qu’Israël accuse d’être « totalement infiltrée » par le mouvement islamiste, a souligné que le bâtiment avait été évacué le 12 octobre.

« Nous n’avons pas utilisé ce bâtiment depuis que nous l’avons quitté et nous n’avons connaissance d’aucune activité qui aurait pu s’y dérouler », a écrit sur X le chef de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, ajoutant que les accusations d’Israël « méritent une enquête indépendante ».

Le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz, a demandé la « prompte démission », tout comme l’ambassadeur israélien à l’ONU Gilad Erdan.

« Ce n’est pas que vous ne saviez pas, c’est que vous ne VOULIEZ pas savoir », a lancé M. Erdan sur X, ajoutant que « rien de ce que l’ONU dit ou affirme à propos de Gaza » ne peut être considéré comme fiable.

« Entre la vie et la mort »

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait plus de 1160 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël a juré de « détruire » le Hamas, qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne. L’armée israélienne a lancé une offensive qui a fait 28 064 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste, au pouvoir dans le territoire depuis 2007.

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Des Palestiniens constatent les dégâts causés par une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 10 février.

Environ 250 personnes ont par ailleurs été enlevées en Israël le 7 octobre et emmenées à Gaza. Une trêve d’une semaine en novembre avait permis la libération de 105 otages et de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Selon Israël, 132 otages sont toujours détenus, dont 29 seraient morts.

Environ 1,7 million de personnes, selon l’ONU, sur un total de 2,4 millions d’habitants, ont fui leur foyer depuis le 7 octobre, beaucoup d’entre elles déplacées plusieurs fois à travers le territoire dévasté, assiégé par Israël et plongé dans une crise humanitaire majeure.

Rafah, adossée à la frontière fermée avec l’Égypte, est le dernier grand centre urbain où l’armée n’a pas encore pénétré. Cette ville, transformée en un gigantesque campement de fortune, est le principal point d’entrée pour l’aide humanitaire, toujours insuffisante.

« Nous sommes entre la vie et la mort. Nous vivons dans l’instant », témoigne Bassel Matar, un homme réfugié à Rafah.

Le déplacement forcé de plus d’un million de Palestiniens « sans trouver un endroit sûr où aller […] aurait des conséquences catastrophiques », a averti Nadia Hardman, spécialiste des droits des migrants et des réfugiés pour Human Rights Watch.

« Catastrophe humanitaire annoncée »

L’ONU et les États-Unis, principal allié d’Israël, s’inquiètent du sort des civils. Le président américain Joe Biden avait haussé le ton jeudi contre Israël, jugeant « excessive » sa « riposte » à l’attaque du 7 octobre.

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens pleurent leurs proches tués dans le bombardement israélien à Rafah, le 10 février.

Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, une éventuelle offensive de l’armée israélienne à Rafah s’apparenterait à « une catastrophe humanitaire indescriptible ».

À quelques kilomètres au nord, à Khan Younès, les combats se concentrent dans l’enceinte de l’hôpital Nasser, le plus grand du sud de Gaza, assiégé par les chars israéliens où se trouvaient encore samedi 300 employés, 450 blessés et 10 000 déplacés, selon le ministère de la Santé du Hamas.

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Des femmes et des enfants font la queue pour obtenir de l’eau à Rafah, le 9 février.

Trois personnes, dont deux civils, ont par ailleurs été tuées samedi dans des frappes israéliennes au Liban, dont l’une visait un responsable du mouvement palestinien Hamas qui a survécu, ont indiqué des sources de sécurité libanaise et palestinienne à l’AFP.