La pression internationale s’est intensifiée mardi pour un accord de trêve entre Israël et le Hamas incluant une nouvelle libération d’otages, après l’annonce israélienne d’une offensive prochaine sur Rafah, dernier refuge pour plus d’un million de Palestiniens dans le sud de la bande de Gaza.

L’Égypte, médiateur traditionnel entre Israël et les Palestiniens, a accueilli mardi les directeurs du renseignement américain et israélien ainsi que le premier ministre qatari pour des pourparlers sur une trêve.  

Les discussions entre le directeur de la CIA, William Burns, le chef du Mossad, David Barnea, le chef du gouvernement du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, et des responsables égyptiens, ont été « positives » et se poursuivront durant « les trois prochains jours », a annoncé la télévision AlQahera News, proche du renseignement égyptien.

Les familles des otages détenus à Gaza, qui exhortent le gouvernement à tout faire pour permettre leur libération, ont imploré dans un message la délégation israélienne : « Ne revenez pas tant que tout le monde n’est pas revenu-les vivants et les morts ».

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a récemment ordonné à l’armée de préparer une offensive sur Rafah, qui est selon lui le « dernier bastion » du mouvement islamiste.

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Des soldats israéliens à Gaza, le 13 février 2024

Environ 1,4 million de Palestiniens, selon l’ONU, soit plus de la moitié de la population de Gaza, sont massés dans cette ville, piégés contre la frontière fermée avec l’Égypte, la plupart ayant fui la guerre qui fait rage depuis quatre mois dans le territoire assiégé par Israël.

Parallèlement, l’armée a diffusé mardi une vidéo montrant selon elle le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, dans un tunnel le 10 octobre, trois jours après le début de la guerre.

Les images, où on le voit marcher avec une partie de sa famille, proviennent d’une caméra de surveillance découverte lors d’une opération des forces spéciales, a dit le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.

La « traque » du cerveau présumé de l’attaque du 7 octobre « ne s’arrêtera que lorsque nous l’aurons capturé mort ou vivant », a-t-il affirmé.

« Le monde a basculé »

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Rafah, devenue un gigantesque campement, est le principal point d’entrée de l’aide humanitaire, insuffisante pour répondre aux besoins de la population qui vit dans des « conditions proches de la famine ».

Israël a juré « d’anéantir » le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, en riposte à l’attaque menée par des commandos du mouvement islamiste infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël.

Cette attaque sans précédent a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils tués ce jour-là, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.  

L’offensive israélienne menée en représailles a fait 28 473 morts à Gaza, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas.

Lundi, l’armée avait libéré deux otages israélo-argentins enlevés le 7 octobre, lors d’une opération nocturne à Rafah accompagnée de bombardements qui ont fait une centaine de morts, selon le Hamas.

Terrifiées après cette opération, des familles démontaient mardi leurs tentes et rassemblaient leurs affaires pendant que d’autres prenaient la direction du nord, leurs bagages empilés sur le toit de leurs voitures.

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Des familles palestiniennes, beaucoup déjà déplacées plusieurs fois et craignant devoir bouger encore, commençaient mardi à démonter leurs tentes et rassembler leurs affaires.

« Nous avons été déplacés de la ville de Gaza (dans le nord), vers le sud, puis à nouveau vers Rafah », a témoigné une mère de famille, Ahlam Abou Assi. « S’ils me demandent de retourner dans la ville de Gaza, je ne le ferai que si c’est sûr », a-t-elle ajouté en pleurant. « Sinon, je préférerais mourir ici. Ils meurent déjà de faim là-bas ».

Mohammed Suleiman al-Kawarea, originaire de Khan Younès, à quelques kilomètres au nord de Rafah, a décidé de regagner sa ville, malgré les bombardements qui continuent.

« Il y a trois jours, dans le quartier d’al-Mawasi à Rafah, qui est censé être une zone sûre, nous avons entendu des avions de chasse et des chars d’assaut et le monde entier a basculé. Nous n’avons pas pu dormir, manger ou boire de la nuit […] Aujourd’hui, nous fuyons à nouveau vers Khan Younès », a-t-il raconté à l’AFP.

Mardi, de la fumée s’élevait au-dessus de Khan Younès et de Rafah après des frappes, selon des journalistes de l’AFP dans la bande de Gaza.

« Un massacre »

Malgré les mises en garde de nombreuses capitales étrangères, Benyamin Nétanyahou s’est dit déterminé à poursuivre « la pression militaire jusqu’à la victoire complète » sur le Hamas, classé organisation terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne, et la libération des otages.

Les opérations militaires israéliennes à Rafah « pourraient conduire à un massacre à Gaza », a averti mardi le chef des Affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, appelant Israël à ne pas « continuer à ignorer » les appels de la communauté internationale.

Selon Israël, 130 otages se trouvent encore à Gaza, dont 29 seraient morts, sur environ 250 personnes enlevées le 7 octobre. Une trêve d’une semaine en novembre avait permis la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par Israël.   

Face aux craintes internationales, M. Nétanyahou a affirmé dimanche qu’Israël ouvrirait à la population « un passage sécurisé » pour quitter Rafah, sans préciser vers quelle destination.

Les États-Unis, principal allié d’Israël, s’opposent à une offensive sans garanties pour la sécurité des civils. Le président Joe Biden a réclamé à Israël un plan « crédible » pour épargner la population.

La Chine a aussi exhorté mardi Israël à arrêter « au plus vite » son opération militaire à Rafah.

L’Allemagne a appelé Israël à garantir des passages sûrs pour la protection des civils à Rafah, où deux journalistes d’Al Jazeera ont été grièvement blessés dans une frappe israélienne, selon la chaîne qatarie.

D’après le Wall Street Journal, Israël proposerait de créer 15 vastes camps de 25 000 tentes chacun dans le sud-ouest de la bande de Gaza, dans le cadre d’un plan d’évacuation.

Rafah, devenue un gigantesque campement, est le principal point d’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, insuffisante pour répondre aux besoins de la population qui vit dans des « conditions proches de la famine », selon le Programme alimentaire mondial (PAM).