Devant l’ampleur des besoins humanitaires et la menace d’une nouvelle offensive israélienne dans le sud de Gaza, la pression internationale s’est accentuée pour la conclusion d’une trêve entre Israël et le Hamas. Mais qu’est-ce que ça signifie ? Le point en quatre questions.

Pourquoi cette nouvelle ronde de pourparlers ?

Depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier, dans laquelle plus de 1200 personnes ont été tuées, selon les chiffres officiels israéliens, et 250 ont été prises en otage et amenées dans la bande de Gaza, la guerre a connu une seule trêve, en novembre. Elle a permis la libération d’une centaine d’otages et de 240 prisonniers palestiniens détenus en Israël, en plus d’un répit humanitaire.

La situation se dégrade dans la bande de Gaza, où plus de 28 000 personnes ont été tuées, selon le ministère de la Santé de Gaza. Ses habitants courent un risque imminent de famine, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Les familles des otages israéliens, de leur côté, désespèrent de revoir leurs proches. Des témoignages sur les mauvais traitements et les agressions sexuelles viennent confirmer leurs craintes.

Cette semaine, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a ordonné la préparation d’une offensive à Rafah, où plus de 1,4 million de personnes sont entassées. L’ONU s’est inquiétée d’un possible « massacre » si elle avait bien lieu.

Mardi, les dirigeants égyptiens ont rencontré des directeurs des renseignements américain et israélien, de même que le premier ministre du Qatar, dans l’espoir d’arriver à une entente pour permettre un cessez-le-feu d’au moins six semaines, avec la poursuite des négociations pour un accord durable et la libération d’otages.

Quels sont les points au centre des discussions ?

Pour accepter un cessez-le-feu, la libération d’otages est primordiale pour Israël. Mais le gouvernement israélien va plus loin : Benyamin Nétanyahou vise l’anéantissement du Hamas, un groupe inscrit sur la liste des entités terroristes dans plusieurs pays, dont le Canada, et qui est au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007.

À des lieues politiquement du gouvernement Nétanyahou, l’ancien ministre israélien de la Justice, Yossi Beilin, se range pourtant de son côté sur ce point : s’il croit en une trêve, il ne voit pas de cessez-le-feu durable sans un changement à la tête de Gaza. « Même pour quelqu’un comme moi, qui crois au compromis, je ne vois pas de compromis avec le Hamas, explique-t-il à La Presse. Ils ne veulent pas qu’Israël existe. Ce que je peux dire, c’est qu’aussi longtemps qu’ils contrôleront Gaza, nous devrions nous battre. » Cet ancien négociateur des accords d’Oslo ignore si les hauts responsables du Hamas accepteraient d’être relocalisés à l’étranger, comme cela aurait déjà été proposé par Israël. Il faut dire que le Mossad israélien a la réputation de pourchasser les ennemis du pays bien au-delà des frontières…

Le Hamas, pour sa part, tente d’obtenir la libération de détenus palestiniens.

« Je pense qu’une des raisons principales des attaques du Hamas le 7 octobre était de prendre des otages pour pouvoir les échanger contre la libération d’otages palestiniens », note Ahmad Samih Khalidi, analyste politique affilié notamment à l’Institute for Palestine Studies à Washington, joint au téléphone. Cet ancien négociateur de la délégation palestinienne lors des pourparlers de paix de 1991-1993 souligne le nombre élevé de prisonniers palestiniens – environ 7000, selon différents organismes –, dont des personnes en détention administrative, emprisonnées sans procès. Habituellement, femmes, enfants et personnes âgées sont libérés en premier, tant pour les otages que pour les prisonniers. « Mais je pense qu’il y a assurément un intérêt de la part du Hamas d’obtenir des prisonniers politiques du plus haut rang possible pour montrer aux Palestiniens qu’ils ont réussi un accomplissement majeur », avance-t-il.

Le Hamas souhaite également le retrait des troupes israéliennes de Gaza.

Quel impact une trêve aurait-elle sur les habitants de Gaza ?

« Six semaines, c’est trop court, réagit Manon Hourdin, directrice des opérations internationales de Médecins du Monde Canada. On l’a vu avec la dernière trêve temporaire qu’on a eue : ça a duré trois semaines et on a à peine eu le temps d’essayer de se réorganiser. Et puis hop ! Les bombardements ont recommencé. Ça prend un cessez-le-feu durable. »

L’organisme compte une trentaine d’employés dans la bande de Gaza. Ses médecins soignent des blessures causées par les bombardements, mais aussi des infections et des maladies résultant du manque d’hygiène et de l’absence de soins de base. L’accès à l’eau potable est difficile.

« Même en cas de cessez-le-feu, ce n’est pas clair où les gens iraient », souligne l’analyste Ahmad Samih Khalidi. Quelque 60 % des habitations sont détruites, selon l’OCHA, alors que le froid et la pluie s’ajoutent aux difficultés.

« Une trêve de six semaines permettrait un répit, mais ce qu’on a vu dans la trêve précédente, en ce qui concerne la santé mentale, c’est que c’est extrêmement dur, ils voient pour la première fois l’ampleur de la destruction et ce qu’ils ont perdu », illustre Mme Hourdin, qui déplore la destruction, au début de février, de ses bureaux dans la ville de Gaza.

À quoi s’attendre pour la suite ?

« Même si ce n’est pas un cessez-le-feu final, ce sera très difficile, en particulier pour les Israéliens, de recommencer la guerre au bout de six semaines, croit M. Khalidi. Donc, du point de vue d’Israël, le cessez-le-feu n’est pas une chose positive, parce qu’ils croient – et je pense qu’ils ont raison – que la capacité militaire du Hamas reste encore significative à Gaza. »

Mais du point de vue de la communauté internationale, poursuit-il, l’idée est plutôt de tenter un cessez-le-feu durable et de permettre une aide humanitaire. Pour ensuite « faire revivre » la solution à deux États : Israël et la Palestine. Une perspective qu’il juge de plus en plus improbable, malgré les remarques récentes du président américain, Joe Biden, qui insiste sur cette avenue.

Yossi Beilin, quant à lui, y croit toujours. Même si cela peut prendre du temps et requérir beaucoup de conditions favorables. « Je n’ai pas de meilleure solution », lance-t-il.

Avec l’Agence France-Presse