Occupation par l’armée israélienne

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Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou

Évoqué début novembre par Benyamin Nétanyahou, ce scénario vise l’occupation israélienne de la bande de Gaza pour une « durée indéterminée », afin d’assurer « la sécurité » d’Israël et d’empêcher toute possibilité de reconstruction pour le Hamas. Devant l’opposition « claire » de Washington, le premier ministre israélien a toutefois nuancé ses propos, assurant qu’Israël « ne cherchait pas à gouverner Gaza », mais simplement à lui « donner, ainsi qu’à nous, un avenir meilleur », sans toutefois exclure une « force crédible » pour entrer au besoin dans l’enclave face à des menaces sécuritaires.

L’occupation terrestre de Gaza est-elle seulement envisageable ? Israël voudra sans doute prolonger sa présence pour stabiliser l’enclave. Mais Benjamin Toubol, doctorant en science politique à l’Université Laval, ne pense pas que cette situation soit viable pour une très longue période : « Ce sera quand même beaucoup plus compliqué pour Israël, dit-il. En termes simplement d’effectifs sécuritaires et économiques, ça voudrait dire concentrer énormément de personnel à Gaza, alors qu’on sait que le front avec le Liban et le Hezbollah peut représenter un risque. »

À mon avis, Israël aura autre chose à faire que de contrôler Gaza. Il faut éviter l’erreur qu’ont faite les États-Unis en Irak.

Benjamin Toubol, doctorant en science politique à l’Université Laval

Thomas Vescovi, chercheur indépendant spécialiste de la région, est moins catégorique. Selon l’auteur du livre L’échec d’une utopie – Une histoire des gauches en Israël, rien n’exclut qu’Israël veuille « organiser » le nord de Gaza à sa manière. « Il y a dans le mantra israélien, et encore plus depuis le 7 octobre, l’idée que la sécurité d’Israël ne peut être assurée que par Israël. Actuellement, le gouvernement israélien voit d’un très bon œil l’idée de récupérer le nord de Gaza et de changer progressivement la donne politique, peut-être en y installant de nouvelles colonies, peut-être en occupant pendant une durée assez longue ce territoire qui pourra être transformé au bon vouloir des Israéliens. »

Occupation par une force de paix internationale

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Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres

Nombre d’observateurs ont évoqué un possible « protectorat de l’ONU ». Le problème avec cette option est qu’Israël est actuellement en conflit ouvert avec l’ONU, et plus particulièrement avec son secrétaire général António Guterres, qui multiplie les critiques à son endroit, ce qui compromet forcément le scénario d’une force de paix internationale.

On peut se demander, par ailleurs, comment ce scénario, autorisé par Israël, serait accueilli par les habitants de Gaza. Selon le professeur Rex Brynen, de l’Université McGill, expert du Moyen-Orient, une force internationale de maintien de la paix serait possiblement perçue comme une « sous-traitance pour l’occupation israélienne » et, par conséquent, reçue avec hostilité. Au bout du compte, ce scénario n’aurait de valeur que dans la perspective concrète d’un État palestinien, estime encore Rex Brynen.

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Des soldats israéliens patrouillent dans la bande de Gaza.

Si les États-Unis reconnaissent l’État de la Palestine, si vous avez un calendrier pour des négociations, si vous avez une force internationale, combinée à la promesse absolue que les droits des Palestiniens pourraient être atteints dans un avenir prévisible, alors, oui, cela pourrait marcher. Dans le cas contraire, cette force internationale serait simplement vue comme une force d’occupation.

Rex Brynen, professeur à l’Université McGill et expert du Moyen-Orient

L’Autorité palestinienne aux commandes

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Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (à droite), reçoit le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, à Ramallah, en Cisjordanie, le 5 novembre.

L’Autorité palestinienne, qui gère actuellement la Cisjordanie, dispose d’une administration civile, de forces de sécurité et de renseignements, en plus de bénéficier d’un soutien financier international. Le problème est qu’elle est très mal perçue par les Palestiniens, qui la voient comme une structure autoritaire et corrompue. Son chef, le leader du parti Fatah Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat, n’est plus crédible et est accusé de jouer le jeu des Israéliens. Dans ce contexte, on voit mal comment cette entité politique, qui a été chassée de Gaza en 2007, pourrait entrer dans l’enclave sur le dos des chars israéliens.

Ça risque de créer un chaos qui va générer encore plus de cellules contre-insurrectionnelles.

Benjamin Toubol, doctorant en science politique à l’Université Laval

Le président des États-Unis, Joe Biden, a plaidé la semaine dernière pour une future réunification de Gaza et de la Cisjordanie, sous une Autorité palestinienne « revitalisée ». Il a affirmé que « l’Autorité palestinienne, sous sa forme actuelle, n’est pas capable d’assumer la responsabilité de Gaza ».