Vêtue d'une petite robe d'été, lunettes sur le nez, Haneen Zuabi marche d'un pas déterminé. Lorsqu'elle entre dans les bureaux du parti politique arabe Balad, à Nazareth, les gens interrompent leurs activités pour l'accueillir. Elle donne des poignées de main énergiques en souriant.

Députée à la Knesset, le Parlement israélien, Mme Zuabi est au centre d'une controverse. Elle était à bord du Mavi Marmara, le navire turc pris d'assaut la semaine dernière. La flottille devait acheminer de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, défiant un blocus décrété par Israël. Des affrontements entre l'armée israélienne et certains membres de l'équipage ont fait neuf morts et plusieurs blessés.

 

De nombreux Israéliens ont vu la participation de Mme Zuabi dans le convoi comme un acte de trahison. Elle a reçu de nombreuses menaces de mort. Un groupe Facebook demandant son exécution a été créé. Le ministre de l'Intérieur a même réclamé la révocation de sa citoyenneté.

«C'est comme s'il me traitait de traîtresse. Or, c'est un crime passible de la peine de mort en Israël. Quel genre de message est-ce que ça envoie?» s'est indignée Mme Zuabi.

Au parlement, les échanges ont été houleux au cours des derniers jours. Plusieurs députés ont été expulsés après avoir insulté Mme Zuabi. À un point tel que le responsable de la Chambre lui a accordé une protection dans tous ses déplacements - à l'extérieur comme à l'intérieur de la Knesset.

«C'est la première fois dans l'histoire de la Knesset que ça arrive, souligne Mme Zuabi. Il est inquiet que les députés s'en prennent à moi, même à l'intérieur du parlement.»

La politicienne n'entend pas arrêter ses activités pour autant.

«Je n'ai pas peur. C'est sûr que je vais faire plus attention, je vais regarder autour de moi. Mais je ne changerai pas mes habitudes», dit-elle.

Légalement, la citoyenneté de Mme Zuabi, une Israélienne arabe, ne peut lui être retirée sans l'autorisation écrite du procureur général.

«Depuis 2000, les Israéliens arabes sont perçus par les Israéliens juifs comme des traîtres, pas comme des citoyens égaux, soutient Menachem Klein, professeur de sciences politiques à l'Université Barilan, près de Tel-Aviv. Ça crée de nouveaux conflits, parce que la jeune génération s'identifie encore davantage aux Palestiniens.»

Malgré la controverse et les menaces, Haneen Zuabi retournerait sur un autre navire en route vers Gaza si elle y était de nouveau invitée.

«Nous n'avons pas réussi à briser le blocus, mais au moins, nous avons réussi à briser le silence», se félicite Mme Zuabi.