Ils étaient déjà aux prises avec un problème insoluble de surpopulation, mais c’est la hausse inéluctable du niveau de la mer qui aura finalement poussé les Kunas à fuir l’îlot de Carti Sugdupu, au Panamá, et à trouver refuge sur le continent. Habitée par un millier d’indigènes, la minuscule terre peine aujourd’hui à émerger de la mer des Caraïbes. Exacerbée par les changements climatiques, la montée des eaux rendra inhabitable d’ici quelques décennies l’ensemble des 365 îles de l’archipel de San Blas, dont Carti Sugdupu fait partie.

Les réfugiés climatiques du Panamá

Malgré les conditions de vie précaires – il n’y a ni eau potable ni installations sanitaires dans l’île – et la petitesse du territoire – une superficie qui équivaut à cinq terrains de soccer, les Kunas de Carti Sugdupu ont toujours refusé d’abandonner leur terre. Mais face aux inondations qui se multiplient et à une mer qui ne cesse de menacer de les engloutir, les irréductibles îliens ont abdiqué et accepté d’être déplacés. Accompagné du journaliste Juan José Rodríguez, le photographe de l’Agence France-Presse Luis Acosta est allé à la rencontre de ces réfugiés climatiques d’Amérique centrale.

PHOTO LUIS ACOSTA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Vu du ciel, Carti Sugdupu est un enchevêtrement de toits rouges, bleus et gris entre lesquels on devine des ruelles en terre et, ici ou là, quelques rares arbres. Tout autour, la mer.

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L’archipel de San Blas se trouve dans la comarque (territoire autonome) indigène Guna Yala, sur la côte nord du Panamá. Les drapeaux de Guna Yala et du Panamá flottent sur cette barque amarrée devant une maison de Carti Sugdupu. Adopté en 1925, le drapeau indigène arbore un svastika en son centre. Dans la culture kuna, le symbole représenterait la pieuvre créatrice du monde, avec ses tentacules pointant en direction des quatre points cardinaux.

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Une femme marche dans une ruelle en terre qui serpente entre les habitations de fortune, le 28 août. Si certains résidants se disent nostalgiques à l’idée de quitter l’île, plusieurs sont enthousiasmés par l’occasion d’en finir avec la précarité qui y a cours. « Les inondations et les tempêtes ont rendu la vie dans l’île encore plus difficile, affectant le logement, l’eau, la santé et l’éducation », souligne un récent rapport de l’ONG Human Rights Watch.

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Les vestiges d’une maison avalée par la mer. « Nous avons remarqué que la marée monte », raconte à l’Agence France-Presse Magdalena Martinez, enseignante à la retraite de 73 ans. « On pense qu’on va couler, on sait que ça va arriver, dans de nombreuses années encore, mais on doit penser à nos enfants, nous devons trouver un endroit […] où ils pourront vivre en paix », estime-t-elle.

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À bord de son canot traditionnel, un pêcheur s’éloigne de la rive à la recherche de poissons. Les habitants de Carti Sugdupu vivent de la pêche, du tourisme et de la production, sur le continent, de manioc et de bananes.

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Un jeune garçon joue au soccer devant le mur d’un bâtiment sur lequel une œuvre murale rappelle que 2025 est l’année du centenaire de la révolution kuna. À la suite d’un soulèvement, les Kunas ont déclaré le 12 février 1925 leur indépendance et proclamé la République de Tulé. Le nouvel État d’Amérique centrale fut éphémère. Moins d’un mois plus tard, après un accord avec le gouvernement panaméen garantissant leurs droits et le respect de leur culture, les Kunas révoquaient leur déclaration d’indépendance.

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Parmi les 365 îles que compte l’archipel de San Blas, une cinquantaine sont toujours habitées. Leur altitude se situe aujourd’hui entre 50 cm et 1 m au-dessus du niveau de la mer.

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Les vêtements traditionnels confectionnés par les femmes kunas sont connus pour leurs « molas » et leurs motifs riches en couleur. Ils ont attiré l’attention en 2019, lorsque le peuple indigène à forcer Nike à renoncer à vendre une paire de baskets dont le design « copiait » illégalement l’art traditionnel des Kunas.

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Certaines maisons de l’îlot ont déjà été abandonnées en raison de la montée des eaux, alors que les experts prévoient que l’archipel disparaîtra d’ici la fin du siècle. « Une conséquence directe des changements climatiques », assure Steven Paton, scientifique du Smithsonian Tropical Research Institute (STRI), situé au Panamá.

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Des « saglas », chefs de communauté chez les Kunas, sont allongés dans des hamacs, lors d’un congrès local à Carti Sugdupu. Les dirigeants de la communauté indigène et le gouvernement panaméen ont travaillé conjointement durant une dizaine d’années à l’élaboration du projet de déplacement sur le continent des 300 familles que compte l’île.

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Le quartier Isber Yala accueillera d’ici la fin de l’année le millier de réfugiés climatiques. Les 300 familles seront relogées sur un terrain de 22 hectares. Chaque famille disposera d’un terrain d’une superficie de 3200 pi2, d’une maison d’environ 530 pi2 avec deux chambres, une salle de bains, une salle à manger et une cuisine. Les demeures auront accès à l’eau potable et posséderont l’électricité. Les familles pourront agrandir leur maison et avoir un potager. Une école sera construite. « Nous sommes contents », assure Nelson Morgan, la plus haute autorité indigène de la communauté.