Au Mexique, où la guerre de la drogue a fait des ravages et où le catholicisme est solidement ancré dans la société, l’image de religieuses qui fument de la marijuana fait scandale. Quand elles en font le commerce, c’est un sacrilège. « Nous voulons reprendre la plante aux narcos », soutient sœur Bernardet, l’une des cinq membres mexicaines des Sisters of the Valley, une organisation internationale qui prône les vertus spirituelles et thérapeutiques du cannabis.

Des nonnes pas très catholiques

Malgré leur apparence, elles ne sont ni catholiques ni d’une autre religion. Ces « nonnes » font plutôt partie d’un mouvement international né en 2014 dans la vallée Centrale de Californie appelé Sisters of the Valley, qui s’est engagé non pas à propager la parole de Dieu, mais plutôt à prêcher les pouvoirs de guérison du cannabis dans un esprit Nouvel Âge, tout en en faisant le commerce. Ces sœurs transmettent aujourd’hui leur foi aux quatre coins du monde alors que l’organisation compte des « missionaires » au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, au Danemark, au Brésil, au Kenya et au Mexique.

PHOTO RAQUEL CUNHA, REUTERS

Quand vient la pleine lune, les Sœurs de la Vallée se réunissent autour d’un feu de camp et répètent ce rituel : après s’être purifiées en brûlant de la sauge, elles rendent grâce au satellite naturel de la Terre, aux animaux et aux plantes, et fument des joints.

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Si elles s’affichent allégrement sur les réseaux sociaux – principalement sur Instagram – où on les voit cultiver du pot ou encore animer des ateliers, elles préfèrent garder l’endroit où elles exercent leurs activités secret. Comme un certain flou juridique entoure toujours le cannabis au Mexique et qu’une grande partie de sa production est encore liée à des organisations criminelles, les sœurs redoutent d’être inquiétées par la police ou extorquées par des gangsters.

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Sœur Bernadet, qui est homéopathe, prescrit de la marijuana à ses patients souffrant du cancer, de douleurs articulaires ou encore d’insomnie.

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Aux États-Unis, où le cannabis est autorisé à des fins récréatives dans une vingtaine d’États, les Sisters of the Valley mènent une entreprise relativement prospère. Les ventes en ligne de teintures, d’huiles et de pommades à base de CBD ont rapporté à l’organisation plus de 500 000 $ l’an dernier.

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Le chiffre d’affaires de la branche mexicaine est beaucoup plus modeste et ne représente qu’une fraction de celui réalisé au nord du Rio Grande, soit environ 10 000 $ par an. Sous la direction d’Alehli Paz (à droite), chimiste et chercheuse, les sœurs du Mexique produisent une mince culture.

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Les Sisters of the Valley s’inspirent des béguines, mouvement religieux laïque qui remonte au Moyen Âge. Des femmes célibataires qui se consacraient à la spiritualité, à l’érudition et à la charité, mais ne prononçaient pas de vœux officiels.

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Les plantes sont empotées dans de vieux seaux de peinture et placées en rangées sur un toit, à l’abri des regards. Une fois que les jeunes pousses arrivent à maturité, les sœurs les déplacent dans des jardins privés clos, dénichés grâce à l’aide de femmes âgées de la communauté qui soutiennent le mouvement.

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Les sœurs cultivent la plante sacrée dans une ferme située en périphérie d’un village du centre du Mexique. Une activité que les cinq amies pratiquent à temps partiel, essentiellement les week-ends.

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Selon elles, leurs habits religieux confèrent une image d’uniformité au groupe et une aura de respectabilité à la plante. Mais les Sœurs de la Vallée ne renient pas l’aspect marketing de leur choix vestimentaire. Elles savent très bien qu’ainsi, elles attirent l’attention des médias.

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Lors d’un récent week-end qu’a passé l’agence de presse Reuters à la ferme secrète, la production de marijuana était ponctuée d’innombrables pauses joints, véritables moments de communion pour les sœurs cannabis.

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Mais le choix de rejoindre les Sisters of the Valley dans un pays conservateur, où près de 75 % de la population se dit catholique, n’a pas été sans conséquence pour les cinq femmes. Presque toutes affirment que cela a créé des tensions avec leurs proches.

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Ferventes avocates d’une légalisation totale du cannabis, les sœurs mexicaines soutiennent que la guerre menée contre les cartels par les autorités d'Amérique latine depuis une vingtaine d’années est un échec retentissant qui n’a mené qu’à plus de violence et à une incarcération de masse.