Chaque été, elles envahissent les trottoirs dans un joyeux bordel. Nul doute, les ventes-débarras font partie de la culture québécoise... mais leur organisation n'est pas inscrite dans notre ADN pour autant. Comment réussir sa vente sans pépins? Des chasseuses de trésors passionnées nous livrent leurs trucs pratiques.

C'est à 30 ans que les femmes sont belles... et c'est au mois de juin que les ventes-débarras explosent!

«Le mois de juin en général, ça commence assez fort pour les ventes de garage», lance Isabelle Clément, connue pour sa page Facebook De la ruelle au salon, où elle débusque les plus beaux objets des petites annonces. «À ce temps de l'année, les gens déménagent et emménagent, ils font le ménage, ils sont aussi intéressés à se trouver des objets pour leur nouvelle maison. Et en plus, il commence à faire beau!», ajoute celle qui adore les ventes-débarras autant que les petites annonces.

Loin d'être une science exacte, les ventes-débarras ne fonctionnent pas selon des règles précises. Dans ce cas, les meilleures personnes pour nous conseiller sont probablement celles avec le plus d'expérience. Nous avons demandé à quelques passionnées de nous donner leurs trucs.

QUI SONT NOS EXPERTES?

Isabelle Clément, De la ruelle au salon

Elle fouille les petites annonces et affiche les plus beaux trésors sur sa page Facebook. Elle possède aussi son propre site web.

http://www.delaruelleausalon.com/

Marie-Eve Bujold, Dentelle et Fortrelle

Sorte de brocanteuse virtuelle, la jeune femme vend des objets qu'elle a dénichés un peu partout. Il y a quelques semaines, elle a organisé une immense vente-débarras qui a connu beaucoup de succès. On peut la suivre sur sa page Facebook.

https://www.facebook.com/DentelleetFortrelle

Christine Doyon

Chercheuse de trésors professionnelle, elle a cofondé avec deux amis un site qui recense les ventes-débarras dans l'île de Montréal. Avec les années, le trio s'occupe moins assidûment du site, mais la section des petites annonces est toujours active.

http://www.ventedegaragemontreal.com/

Élaine Perron

Elle organise au moins une vente-débarras par année. Le reste du temps, elle court les bazars et marchés de toutes sortes pour le travail... et pour le plaisir!

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE

Nos expertes sur...

L'attitude

Personne ne sera surpris: mieux vaut afficher son plus beau sourire pour ne pas effaroucher les clients. «Quand une personne a l'air bête, ça ne donne pas envie d'aller la voir. Parfois, les gens sont intimidés», explique Christine Doyon. «Il faut que ça te tente, il faut que tu aimes ça, renchérit Élaine Perron. Avec un air de boeuf, les gens ne viennent pas.» Elle-même s'habille de façon décontractée («un t-shirt rose et des couettes!») pour ne pas rebuter les gens avec une tenue trop officielle, tout en restant confortable.

La présentation

Pour éviter l'effet «foutoir», Isabelle Clément suggère de soigner sa présentation pour donner un coup d'oeil attirant. «On peut organiser les objets par catégories, par prix, par couleurs... Les articles mis en valeur sont plus jolis, et ça donne davantage envie de les acheter que s'ils ramassent la poussière au fond d'une boîte.» Élaine Perron fait aussi un effort dans la disposition de ses objets: elle installe un grand miroir sur le trottoir et place les vêtements dans de jolis paniers. Le hic? «Tout le monde me demande si le miroir ou les paniers sont à vendre!»

Les prix

Isabelle Clément est catégorique: «Une vente-débarras, c'est en dessous de 10$. C'est 1, 2, 3$, voire 50 sous. On se débarrasse, on n'est pas là pour faire de l'argent», dit-elle. Élaine Perron abonde dans le même sens et va même plus loin. «On dirait que je suis la bum des ventes de garage: je préfère ne pas mettre de prix!» Pour elle, il ne sert à rien de vouloir rentabiliser un mauvais achat. «Mes bottes qui sont dans ma garde-robe depuis trois ans et qui font mal aux pieds, il ne faut pas que je veuille les vendre 50$ sous prétexte que je les ai payées 150$.»

L'affichage

Selon Isabelle Clément, annoncer sa vente sur les pages Facebook des quartiers est une excellente idée. Les plus populaires? Les Bazars de Villeray et de Rosemont-La Petite-Patrie. Aussi, si les petites annonces dans les journaux sont désuètes, la classique affiche brochée sur un poteau s'avère toujours efficace. Élaine Perron en imprime une quarantaine chaque fois. «Je les fais toujours sur du papier jaune ou fuchsia hyper flash, avec des fleurs. Les gens reconnaissent ma signature sur mes affiches!»

La température

Concernant les caprices de la météo, les avis divergent. Pour Élaine Perron, la souplesse est primordiale. «Il faut être prêt à faire sa vente de garage... mais prêt à ne pas la faire, aussi!» Lorsqu'elle fabrique ses affiches, elle se laisse le loisir d'inscrire la date à la mitaine. À l'opposé, Marie-Eve Bujold a appris à dédramatiser les prévisions météo. Le jour de sa grande vente, on annonçait de la pluie. Mais en y regardant de plus près, les probabilités de précipitations étaient de 40% seulement, pour une accumulation totale de 1 mm. Rien d'assez alarmant pour qu'elle change ses plans!

Une vie parmi les objets

Tous les ans, les voisins d'Élaine Perron assistent à la même scène. Vers la fin de mai ou le début de juin, ils la voient sortir son bataclan sur le trottoir et tenir une vente-débarras. «Encore cette année?», se demandent-ils. Eh oui: pour cette résidante du Mile End, un printemps ne serait pas digne de ce nom sans sa grande vente annuelle.

«Mon amour des trésors de toutes sortes, ça date de ma vie entière, je pense!», s'exclame Élaine Perron. «C'est un beau prétexte pour faire un gros ménage, épurer les tiroirs, les garde-robes, les armoires», poursuit celle qui a déjà eu deux friperies.

Les ventes-débarras, c'est une véritable passion pour Élaine Perron, autant lorsqu'il s'agit de les organiser que de les courir. Toute l'année, elle n'hésite pas à acheter toutes sortes de choses un peu partout. Un chandail qu'elle n'est pas certaine d'aimer? Bah, pour 3$, ça vaut le coup... Si ses doutes se confirment, elle le balance dans le gros panier au fond de sa garde-robe, où s'accumulent les objets qui iront dans sa vente de l'année prochaine.

Il faut dire que son travail l'oblige à magasiner tout le temps. Pour gagner sa vie, Élaine meuble les décors des plateaux de télévision. Récemment, elle a travaillé sur la série burlesque Madame Lebrun, qui met notamment en vedette Benoît Brière et Sylvie Moreau, diffusée depuis mercredi à Super Écran.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE

Élaine Perron

Puisqu'elle achète tout elle-même pour fabriquer les décors et que les budgets sont serrés, elle fréquente assidûment les Renaissance, Armée du salut et autres Village des valeurs de ce monde. L'été, les ventes-débarras s'ajoutent à sa liste. Bref, sa passion des «bébelles de toutes les époques, de tous les styles» se conjugue autant dans sa vie personnelle que professionnelle. «Ça se rejoint, mon travail et mes obsessions - ou plutôt, ma maladie!», lance-t-elle en riant.

Un attirail en attente dans le sous-sol

Parfois, elle voit quelque chose dans un bazar qui pourrait aller dans un décor éventuel. Elle l'achète et le place quelque part dans sa maison, en attendant.

N'allez pas croire qu'elle recommence à zéro chaque année: Élaine Perron est une habituée. Son attirail de ventes-débarras - un support à vêtements de costumière, une table pliante, un énorme sac de plastique qui déborde de cintres - est sagement rangé au sous-sol. Dans sa garde-robe, en plus de son grand panier, elle garde une bourse remplie de pièces de monnaie et de petites coupures, qu'elle ressort d'une année à l'autre. «Comme ça, je ne suis pas obligée d'y penser la veille.»

Esprit communautaire

Ce qu'Élaine Perron aime par-dessus tout, c'est de faire plaisir - un peu à elle-même, beaucoup aux autres. Il n'est pas rare que les clientes qui essaient les vêtements lui demandent conseil; parfois même, des débuts d'amitié se tissent sur un bout de trottoir. À l'occasion, sa soeur, qui habite la rue voisine, en profite pour lui refiler un peu de stock à vendre. Et à la fin de la journée, lorsque des amis ou des clients s'attardent, la vente se transforme en fête autour d'une bouteille de rosé.

Tout ce qu'elle n'a pas réussi à vendre, elle le donne à un organisme de bienfaisance. «Je remplis mon auto avec les restants et je vais porter ça à Jeunesse au soleil. L'idée, c'est que le stock ne retourne plus dans la maison.» Vraiment? «Bon, peut-être que je garde trois ou quatre petits morceaux...» Qui pourront se retrouver dans la vente-débarras de l'année suivante, sous les yeux toujours ébahis de ses voisins.

Une pratique encadrée

La pratique des ventes-débarras est réglementée par les municipalités au Québec, et par les arrondissements à Montréal. Ils s'assurent ainsi que l'activité ne devienne pas commerciale. Avant d'organiser sa propre vente, mieux vaut visiter le site de son arrondissement ou de sa municipalité pour en connaître les règlements spécifiques.

Montréal

Les règles varient d'un arrondissement à l'autre. Certains demandent un permis, d'autres limitent le nombre de ventes-débarras qu'un particulier peut tenir dans l'année. Parfois, même l'affichage est réglementé. À noter que les ventes de garage sont carrément interdites dans l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.

Sur le site de la Ville, en tapant «vente-débarras» dans le moteur de recherche de la banque d'information 311, on retrouve la réglementation de chaque arrondissement.

http://ville.montreal.qc.ca/

Reste du Québec

Les municipalités ont des règlements semblables à ceux des arrondissements. Mais certaines villes organisent des fins de semaine entièrement consacrées aux ventes-débarras. Un site internet tient un calendrier précis de ces week-ends, classés par dates. Ne vous arrêtez pas au look vieillot du site: on y trouve une mine de renseignements.

http://ventedegarage.ca/

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE