Avant d'acheter la maison de ses rêves, on la fait inspecter. Il s'agit de prévenir les mauvaises surprises, notamment à l'égard des vices cachés. Mais que se passe-t-il quand la surprise provient de l'inspection? Faut-il inspecter son inspecteur?

Avant d'acheter la maison de ses rêves, on la fait inspecter. Il s'agit de prévenir les mauvaises surprises, notamment à l'égard des vices cachés. Mais que se passe-t-il quand la surprise provient de l'inspection? Faut-il inspecter son inspecteur?

 Steve avait pourtant pris ses précautions. Au moment d'acheter une maison à niveaux âgée d'une vingtaine d'année, en 2006, il l'avait fait inspecter par une firme spécialisée.

 Le rapport ne signalait aucun problème au toit ou aux combles. Pourtant, à peine quelques mois après l'achat, la partie arrière de la toiture s'est mise à couler. Cette section du toit nécessitait une réfection urgente, dont la facture s'est finalement élevée à près de 10 000$.

 Que s'était-il passé? Steve a découvert que les inspecteurs n'avaient jeté un coup d'oeil qu'à la section avant du toit, visible du sol et en bonne condition. Personne n'avait inspecté la partie arrière, en état de délabrement avancé.

 «L'inspecteur affirme que selon lui, la toiture n'était pas facilement accessible», narre Steve. «Il est assez ridicule de parler d'accessibilité difficile pour une résidence unifamiliale où une échelle d'une dizaine de pieds est suffisante pour accéder à la partie avant de la toiture, et de là à la totalité de la toiture, commente-t-il. Un accès par l'arrière de la résidence demande une échelle plus grande mais, même dans ce cas, c'est loin d'être difficile.»

 Le rapport ne mentionnait pas que la section arrière du toit n'avait pu être inspectée: Steve ne s'en était donc pas préoccupé.

 Cette mésaventure soulève quelques questions. Pourquoi demander une inspection? Que doit-elle inclure? Quels sont les recours si elle est incomplète ou erronée?

 Le but de l'inspection

 Pourquoi faire une inspection avant l'achat? Il y a quatre principales raisons. En premier lieu, cette inspection vous permet de prévoir les travaux d'entretien qui seront nécessaires à moyen terme.

 En second lieu, si des réparations sont urgentes et coûteuses - une couverture à refaire, par exemple -, le rapport d'inspection servira de levier pour demander au vendeur qu'il procède aux travaux nécessaires, ou qu'il réduise le prix de vente en proportion. De plus, lorsque vous avez pris soin de faire inscrire dans votre offre d'achat qu'une inspection doit être effectuée à votre satisfaction, vous pourrez sans dommage vous retirez de la transaction si l'état de la propriété vous inquiète.

 Et enfin, si un vice caché fait plus tard son apparition, un rapport d'inspection bien fait démontrera que vous aviez pris à l'origine les précautions nécessaires.

 L'inspection avant achat n'est pas obligatoire. Le Code civil ne stipule rien à cet effet. Le défaut de procéder à cette inspection ne vous prive pas de tout recours, insiste la notaire Denise Archambault. Mais il est beaucoup plus facile de démontrer ainsi que vous vous êtes acquitté de votre responsabilité de diligence raisonnable.

 En pratique, donc, il est risqué de ne pas investir les 400$ à 500$ que coûte une inspection compétente.

 Reste encore à définir vice caché. Et inspection compétente.

 La recette d'une bonne inspection

 «Je ne savais même pas qu'il y avait un vice caché», se défend parfois un ancien propriétaire, surpris de s'en voir attribuer la responsabilité. C'est justement parce qu'il ne le savait pas que le vice était caché. «On peut être poursuivi même si on ignorait la signification du mot pyrite», lance Charles Tanguay, de l'Union des consommateurs. Si le propriétaire avait connu l'existence du vice et l'avait tu ou camouflé, non seulement en aurait-il été responsable, mais il aurait en plus été passible de poursuites en dommages.

 Un vice caché est une déficience à un immeuble qui n'aurait pas pu être décelée par un l'examen attentif d'un oeil averti, soit directement, soit par l'intermédiaire d'indices. «C'est quelque chose que même un expert n'aurait pu déceler, à moins d'ouvrir les murs ou de creuser le sol», précise la notaire Denise Archambault. Pour être considéré comme tel, le vice doit causer un préjudice important. Il réduit la valeur de la maison ou nuit à son usage, et les travaux pour le corriger sont coûteux. «L'origine du vice doit être antérieure à la vente», indique Marie-Hélène Legault, responsable du cours d'accès à la propriété de l'ACEF de l'Est. Enfin, l'acheteur doit ignorer son existence.

 C'est ici qu'entre en jeu l'inspection: l'acheteur a-t-il pris des précautions raisonnables pour s'informer de l'état de la maison? En temps normal et en situation normale, rappelle l'avocat Claude Coursol, il n'est pas obligatoire de faire appel à un inspecteur - dans le cas d'une maison quasineuve, ou lorsque l'acheteur possède lui-même une expertise dans le domaine, par exemple.

 Ce degré de prudence raisonnable varie cependant avec la situation : lors de l'achat d'une maison de 15 ans par un acheteur néophyte, la diligence impose la consultation d'un spécialiste. Et quand l'acheteur remarque une anomalie - telle une fissure dans une fondation -, il n'a plus de latitude: il a l'obligation de recourir à un expert pour éclaircir la situation.

 Pas de prescription pour les vices

 Il n'y a pas de prescription pour la responsabilité à l'égard d'un vice caché. Les problèmes de pyrite - cette matière de remblai qui se gonfle et déforme les dalles de béton - peuvent se déclarer 20 ou 30 ans après l'achat initial de la propriété, provocant une cascade de poursuites dans la chaîne des propriétaires. «La pyrite a donné l'exemple des responsabilités du vendeur», rappelle Charles Tanguay.

 Le problème doit cependant être signifié au précédent propriétaire dans un délai raisonnable après la découverte du vice - on cite habituellement une limite de six mois. Le recours lui-même doit être exercé au maximum trois ans après la découverte du bobo.

 Inspection incomplète: que faire?

 Il y avait cinq pieds de neige sur le toit. Il était impossible d'en faire l'inspection. La transaction a tout de même été conclue. Au printemps, les problèmes ont apparu. L'acheteur a fait faire les réparations d'urgence après avoir avisé le vendeur.

 Celui-ci a été condamné avec l'agent immobilier devant la Cour des petites créances. «Ça fait partie des normes de pratique de l'agent, explique la notaire Denise Archambault. Le client avait prétendu que la toiture avait été refaite cinq ans auparavant. Mais il n'avait pas de preuves, prétextant que ses papiers étaient déjà dans ses boîtes prêtes à déménager. L'agent n'est pas allé voir plus loin et a inscrit dans la description de la propriété que la couverture avait été refaite cinq ans plus tôt.»

 Comment l'acheteur peut-il se protéger lorsque l'inspecteur ne peut effectuer une partie essentielle de son inspection ?

 «S'il est impossible de voir la toiture ou les fondations, il faut au moins obtenir une déclaration du vendeur sur l'état des lieux, et s'il affirme que des travaux ont été effectués récemment, il doit le prouver», dit Denise Archambault. L'Association des inspecteurs en bâtiments propose à ce propos une «divulgation de propriétaire-vendeur» en cinq pages. Selon l'AIBQ, les vendeurs peuvent ainsi limiter leurs responsabilités et mieux se protéger contre d'éventuelles poursuites en révélant à l'acheteur les défauts connus. Au chapitre de la toiture, le formulaire de l'AIBQ demande si le propriétaire a déjà noté des infiltrations d'eau, quel est l'âge de la couverture et s'il a en main des factures ou des garanties relatives aux travaux réalisés.

 Autre avenue: l'avocat Claude Coursol suggère que le notaire inscrive qu'une inspection du toit doit encore avoir lieu. Une somme correspondant aux travaux potentiels peut être réservée tant que les doutes ne sont pas levés.

 Mais encore faut-il que l'inspecteur ait d'abord signalé qu'il n'a pas pu faire l'inspection...

 L'inspection sous surveillance

 La norme de pratique de l'Association des inspecteurs en bâtiments du Québec est en quelque sorte contradictoire. L'inspecteur doit regarder les toits et leurs revêtements de même que les lanterneaux, les cheminées et les solins. Mais il «n'a pas à marcher sur le toit», précise la norme. Question: comment faire une inspection de la couverture dans ces conditions ?

 Réponse pratique : on dresse son échelle, on grimpe jusqu'au toit pour y jeter un coup d'oeil sans y mettre le pied, puis on redescend.

 Selon l'AIBQ, l'inspection consiste à «faire un examen visuel de tous les systèmes et de toutes les composantes installées, facilement accessibles», énumérés dans la norme. L'inspecteur doit fournir un rapport qui décrit les éléments qui ont été inspectés, qui énumère ceux qui ne l'ont pas été et qui donne les raisons de ce manque. Cette inspection «se fait en observant l'état de ces composantes sans faire de prélèvement, d'échantillonnage ou de mesure», selon l'AIBQ. Bref, le travail de l'inspecteur consiste à regarder les signes et les indices visibles d'un problème ou d'un défaut. Mais il y a regard et regard. «Les inspecteurs ne soulèvent pas les tapis ou ne demandent pas au propriétaire de déplacer ses boîtes pour qu'il puisse inspecter les murs du garage», déplore l'avocat Claude Coursol, dont la pratique se concentre dans les litiges de construction. Ils ratent ainsi de précieux indices qui auraient pu leur révéler un problème.

 Voilà pour le principe. Mais il y a encore la manière. Un rapport peut simplement porter la sèche mention: fissure de retrait observée. «Ça veut dire quoi, pour monsieur et madame Tout-le-Monde?» demande Claude Coursol. «La tâche de l'inspecteur n'est pas de décrire ce que le client est capable de voir. C'est d'interpréter ce que l'on voit.»

 Farcis de petits crochets dans de petites cases, certains rapports standardisés laissent peu de place à ces essentielles subtilités.

 Choisir son inspecteur avec prudence

 L'avocat Claude Coursol a déjà croisé en cour un inspecteur - ou se disant tel - qui lui avait vendu un complet dans un magasin, 15 jours auparavant. «Vous et moi pouvons faire imprimer des cartes professionnelles et nous proclamer inspecteurs demain matin», lance-t-il.

 Aucun ordre ni loi ne régit cette profession. N'importe qui peut se prétendre inspecteur en bâtiment. Rien ne garantit sa compétence, et rien ne vous garantit un recours s'il fait une bourde.

 D'où l'importance de bien le choisir. «On cherche un inspecteur après l'achat, alors que le délai pour faire l'inspection est déjà très court, dénonce Charles Tanguay, porte-parole de l 'Union des consommateurs . On demande par exemple à l'agent immobilier de nous suggérer quelqu'un.» Ce n'est pas nécessairement la source la plus impartiale.

 Précautions

 Mieux vaut prendre ses précautions et se mettre en quête d'un expert avant l'achat. Recherchez un inspecteur qui soit également membre en règle d'un ordre professionnel reconnu : architectes, ingénieurs, technologues en bâtiment.

 Leur adhésion à ces ordres comprend habituellement une assurance responsabilité professionnelle, qui couvre les erreurs et les omissions.

 Les bons recours... contre les bonnes personnes

 Problème vécu qui a donné lieu à des démêlés juridiques : un inspecteur n'a pas décelé un important problème d'humidité dans un vide sanitaire - cet espace creusé sous une maison sans sous-sol. Dans son rapport, ce vide était décrit comme inaccessible. En fait, l'inspecteur était trop corpulent pour passer dans la trappe d'accès. Il n'en avait pas fait mention et n'avait pas cherché d'autre solution.

 Lorsqu'un grave défaut fait son apparition, s'agit-il d'un vice caché que l'inspecteur ne pouvait pas déceler ou est-ce plutôt un vice apparent qu'il n'a pas su reconnaître? Dans le premier cas, le recours s'exerce contre le vendeur; dans le second cas, contre l'inspecteur. En théorie du moins. Car, en pratique, on ajoutera souvent le point de réflexion suivant : contre qui a-t-on le plus de chances de gagner un procès ?

 «Le Code civil met énormément d'obligations sur les épaules du vendeur, qui est présumé savoir que sa maison a un vice dès lors que son nom figure sur l'acte de propriété, rappelle l'avocat Claude Coursol. La preuve d'un vice caché contre le vendeur est relativement simple à faire.»

 Àl'inverse, la faute professionnelle d'un inspecteur est beaucoup plus difficile à démontrer, parce qu'il n'existe ni normes professionnelles reconnues ni «présomptions légales» de sa responsabilité. Un troisième paramètre entre en compte: la solvabilité. Même si vous obtenez un jugement en votre faveur, la partie adverse sera-t-elle en mesure de vous dédommager?

 Pour creuser la question:

 > Le guide Acheter une maison, collection Protégez-vous (7,95$)

 > L'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) propose le Guide d'inspection de maisons usagées (4,50$). 514-384-2013 ou 1-877-MAISONS, ou sur le site www.consommateur.qc.ca/acqc/105.htm.

 > Cours d'accès à la propriété de l'ACEF de l'Est: 514-257-6622

 > Le site de l'Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ) : aibq.qc.ca