La fiche d’une propriété à vendre présente toujours l’évaluation municipale, qui sert notamment au calcul de l’impôt foncier et de la taxe scolaire. Or, comme l’ont remarqué des lecteurs, il n’est pas rare que le prix demandé dépasse — et de beaucoup — cette évaluation. La valeur accordée par des évaluateurs agréés peut aussi grandement varier. Comment alors connaître la juste valeur d’une propriété ?

Comment expliquer l’écart entre différentes évaluations faites pour une propriété ?

Malgré la bonne volonté des experts, l’évaluation d’une propriété n’est pas une science exacte, comme l’a constaté Daniel Fournier. « Ce qui peut apparaître beau pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre, explique l’évaluateur Richard Lefebvre. Tout cela est subjectif. J’ai déjà vu un écart de 100 000 $ avec un collègue » à propos de l’évaluation d’une même propriété.

Le défi est encore plus grand ces temps-ci en raison du petit nombre de transactions immobilières. « Quand il y a peu de ventes, on a moins de comparables. Il y a quelques années, on pouvait comparer une propriété avec trois autres dans la même rue, mais c’est loin d’être le cas aujourd’hui. On fait avec ce qu’on a. »

Dans un tel contexte, l’expérience des évaluateurs s’avère primordiale.

Il faut avoir évalué beaucoup de propriétés pour bien cerner la valeur. Cela dit, comme dans n’importe quel métier, il y a de bons et de moins bons experts.

Richard Lefebvre, évaluateur

Précisons également que les acheteurs n’ont pas la même perception de ce qu’un vendeur considère comme un atout. À titre d’exemple : une propriété avec un sous-sol. Si certains acheteurs sont prêts à payer pour un beau sous-sol fini, des personnes d’un certain âge, qui vont peut-être moins l’utiliser dans quelques années, ne voudront pas payer pour ça. Pour sa part, un couple avec plusieurs enfants, qui a besoin de plusieurs chambres, devra peut-être le rediviser et réinvestir. « Ce n’est pas vrai qu’en valeur marchande, un propriétaire va récupérer les 100 000 $ investis pour creuser et finir un sous-sol », illustre M. Lefebvre.

Un propriétaire peut-il éviter le problème des écarts entre les évaluations externes en faisant le travail lui-même ? Oui et non, car il n’a pas accès aux « comparables » de propriétés vendues. Seulement aux autres propriétés en vente. « Les informations sur les propriétés vendues sont réservées aux professionnels dans le domaine qui doivent payer pour les consulter. » Comme le prix affiché n’est pas le prix payé, la tâche d’autoévaluation est d’autant plus hasardeuse.

Pourquoi y a-t-il tant d’écart entre le prix demandé et l’évaluation municipale ?

Louis Ménard se demande pourquoi l’évaluation municipale ne reflète pas toujours l’augmentation de la valeur d’une propriété sur le marché. Nous avons posé sa question à la Ville de Montréal. Voici ce qu’elle nous a répondu.

L’évaluation municipale reflète le prix de vente le plus probable à une date fixée dans le temps. Une municipalité l’utilise pour calculer l’impôt foncier pendant trois ans. Les centres de service scolaires s’en servent pour fixer la taxe scolaire.

Pour la période 2020-2021-2022, la valeur inscrite représente la valeur de l’immeuble au 1er juillet 2018. Il s’agit de la date de référence au marché. Dans un marché à la hausse, cette valeur de 2018 accuse déjà un retard de 18 mois au début de son application, le 1er janvier 2020. Si les prix continuent de monter, l’écart augmente inévitablement avec le temps. Mais pas éternellement, car les valeurs sont actualisées lors du dépôt du rôle triennal suivant. Ainsi, les valeurs inscrites au rôle 2023-2024-2025 auront comme date de référence au marché le 1er juillet 2021. Elles seront donc aussi en retard sur les valeurs qui seront observées sur le marché en 2023, 2024 et 2025.

Autre élément à considérer : il s’agit d’un processus d’évaluation de masse. Les évaluateurs doivent indiquer une valeur pour toutes les propriétés d’une municipalité donnée, soit plus de 500 000 à l’échelle de l’agglomération montréalaise. Il est donc impossible de porter une attention particulière à chacune des propriétés.

On applique plutôt des tendances générales de valeur aux immeubles.

La valeur d’un immeuble varie notamment en fonction de ses caractéristiques physiques. Or, certaines améliorations réalisées sur des immeubles ou certaines conditions de détérioration accélérée sont inconnues de l’évaluateur au moment où il procède à l’évaluation. Par ailleurs, cette situation est amplifiée par les nombreux travaux d’amélioration réalisés sans permis de construction. Les permis sont la principale source d’information de l’évaluateur.

Vous avez des questions concernant le marché immobilier à soumettre à notre équipe ?

Écrivez-nous