Des dizaines de milliers de grandes tours d’habitation, un peu partout dans le monde, ont aujourd’hui un sérieux besoin d’amour. Mais comment redonner un coup de jeune à ces hauts immeubles souvent coincés dans des métropoles de plus en plus denses ? Une entreprise québécoise croit détenir la solution.

Les passants au centre-ville de Montréal ne l’auront probablement pas remarqué, mais une tour du Complexe Maisonneuve subit depuis le printemps dernier une importante cure de jeunesse. Son enveloppe extérieure sera complètement rénovée : nouveau revêtement et nouvelle fenestration, avec une isolation rehaussée au passage.

Si cet important chantier passe pratiquement inaperçu, c’est sans doute en raison de l’absence de cônes orange à l’angle de la rue De La Gauchetière et de la côte du Beaver Hall. Pas de grue géante ni d’entrée de camions qui obstruent la circulation pendant des semaines.

  • Intérieur de la nacelle haute de deux étages

    PHOTO FOURNIE PAR UPBRELLA

    Intérieur de la nacelle haute de deux étages

  • Les travailleurs sont à l’abri dans la nacelle et peuvent travailler en toute quiétude.

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    Les travailleurs sont à l’abri dans la nacelle et peuvent travailler en toute quiétude.

  • Le revêtement extérieur se fond presque élégamment à l’immeuble.

    PHOTO FOURNIE PAR UPBRELLA

    Le revêtement extérieur se fond presque élégamment à l’immeuble.

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Où sont les travailleurs ? Ils se trouvent dans une vaste nacelle, haute de deux étages, qui ceinture complètement le gratte-ciel de 28 étages, inauguré en 1983. Le revêtement extérieur de l’abri, en panneaux de polycarbonate, lui permet de se fondre presque élégamment à l’immeuble. Accrochée au toit, la structure descend peu à peu au rythme des travaux.

Un monte-charge, intégré à la nacelle, permet aux ouvriers de se rendre incognito au chantier sans passer par l’intérieur de l’immeuble. Ce même monte-charge permet d’acheminer les matériaux et de retirer les rebuts en toute discrétion. « Pas de bruit, ni de poussière, ni de nuisance visuelle », fait remarquer Joey Larouche, président et fondateur d’Upbrella.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Joey Larouche, président et fondateur d’Upbrella

Construire à l’abri

Cette entreprise de Boucherville avait déjà fait sa marque dans l’univers des chantiers en hauteur, en 2016, avec une méthode de construction inusitée : commencer par bâtir le toit au ras du sol. De puissants vérins de levage soulèvent ensuite la structure, à laquelle sont attachées des passerelles de travail abritées, pour permettre la construction du rez-de-chaussée.

Les étages sont ainsi construits un à un. Lorsqu’un étage est terminé, la toiture et les passerelles sont soulevées pour bâtir l’étage suivant, et ainsi de suite. Les ouvriers peuvent ainsi toujours travailler à l’abri des intempéries, les deux pieds sur un plancher solide.

Cette méthode a été utilisée à différents endroits dans le monde pour de nouvelles constructions ou encore l’ajout d’étages, comme à l’hôtel Germain de Montréal en 2018. Elle a aussi été choisie pour un immeuble d’habitation sociale en cours d’édification à Monaco, au grand plaisir du voisinage du chantier.

« Là-bas, en une seule année, le constructeur avait écopé de 600 contraventions de 1000 $ chacune pour des dépassements de la limite sonore de 85 décibels. Il n’en a reçu aucune depuis l’installation de notre procédé », affirme M. Larouche.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

On voit bien sur cette photo la couronne amovible extérieure imaginée par Upbrella, sur l’ancienne tour de la BNC.

Un parc vieillissant

L’idée d’un chantier fermé, peu intrusif, séduit maintenant les entrepreneurs spécialisés en rénovation des grands immeubles.

Ces hautes tours d’habitation ont connu un essor dans les grandes villes du monde à partir des années 1970. Juste à Hong Kong, on en compte des dizaines de milliers, souligne Joey Larouche. Un demi-siècle plus tard, ces parcs résidentiels affichent leur âge avancé : matériaux délavés, fenestration en fin de vie, look dépassé ou encore conception énergivore selon les normes à venir.

À New York, par exemple, les autorités municipales estiment qu’environ 30 000 bâtiments résidentiels devront subir dans les prochaines années une rénovation en profondeur de leur enveloppe extérieure pour se soumettre à un ambitieux programme d’économie d’énergie.

Baptisée Local Law 97, cette réglementation municipale adoptée en 2019 obligera les propriétaires d’immeubles de plus de 25 000 pieds carrés à réduire leurs émissions de carbone de 40 % d’ici 2030 par rapport à leur consommation de 2005. Ils devront atteindre une autre cible encore plus élevée en 2040.

En Ontario, la Toronto Community Housing a également entrepris un plan d’amélioration énergétique de ses immeubles, étalé sur plusieurs années.

À Londres, un vaste chantier se prépare aussi dans la foulée de l’incendie de la tour d’habitation Grenfell en 2017. Plus de 70 résidants avaient alors perdu la vie. L’enquête publique avait révélé que le feu avait pris naissance dans le moteur d’un congélateur avant d’enflammer le revêtement extérieur composé de matériaux inflammables.

Selon les médias du Royaume-Uni, quelque 640 000 personnes dans le pays habiteraient dans des milliers d’immeubles présentant un risque semblable d’incendie.

Or, dans la capitale britannique comme partout dans le monde, ces tours autrefois un peu esseulées se trouvent désormais coincées dans un dédale serré d’artères majeures, de parcs matures, de pistes cyclables et d’autres gratte-ciels imposants. La complexité des sites fait bondir les coûts et les délais.

« On n’a pas le choix. Il faut trouver une autre façon que les méthodes traditionnelles », affirme Joey Larouche, qui soutient que le procédé Upbrella réduit la durée des travaux de 20 % et les émissions polluantes de 55 %.

Upbrella se trouve ainsi actuellement dans la course pour deux chantiers d’importance : la tour Montparnasse, à Paris, et la tour Bretagne, à Nantes. « Ce sont deux icônes en France. Ce serait un tour de force pour une compagnie québécoise de faire partie de ces projets-là », souligne son président.

Consultez le site d’Upbrella