Éplucher les annonces de propriétés à vendre sur Centris et d’autres sites d’agences immobilières, que ce soit de somptueuses demeures, des chalets rétro ou des duplex à transformer, est un passe-temps prisé. Plusieurs de ces curieux se qualifient d’accros. D’autres disent que c’est « relaxant ».

« C’est comme une maladie, lance en riant Marie Plourde, conseillère du Plateau-Mont-Royal, à Montréal. J’ai toujours été une écornifleuse… J’aime regarder par les fenêtres des maisons en marchant le soir. »

Sa passion remonte à 2015, alors qu’elle cherchait un logement. Depuis, elle n’a fait que croître : les matins de fin de semaine, elle regarde les petites annonces de maisons pendant une heure ou deux, en prenant son café. « Si je vis un moment plus stressant, il se peut que j’en regarde plus que ça, avoue-t-elle. Ça m’amène ailleurs, ça me permet de décrocher. Il y a quelque chose d’apaisant là-dedans ! »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Marie Plourde

Son dada s’est transposé à la télé : pendant quelques saisons, Marie Plourde et sa comparse Chantal Lamarre ont tenu un segment « maison » durant l’émission Infoman. Avec humour, elles y présentaient leurs trouvailles immobilières inusitées.

Pendant la campagne municipale de 2021, la mairesse remplaçante de Montréal a fait du porte-à-porte… une activité qui a comblé sa grande curiosité pour l’intérieur des maisons. « Parfois, je lâchais un petit : ‟oh, ç’a l’air beau chez vous”, et il est arrivé qu’on m’invite à visiter. Peut-être à cinq ou six reprises. Je n’en abuse pas, mais… j’accepte sans hésiter ! »

La naissance d’une passion

Pour des raisons bien différentes, Andrée Mayette est elle aussi une mordue des petites annonces immobilières. La résidante de 47 ans de Salaberry-de-Valleyfield examine tous les matins, à 5 h, les nouveautés sur le marché. Elle s’est même créé un fichier Excel pour suivre certaines propriétés.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Andrée Mayette

J’ai fait huit achats en 15 ans. J’achète dans le but d’habiter et je rénove aussi. J’ai étudié en architecture et, même si je ne travaille pas là-dedans, ça me passionne. J’aime analyser le marché, voir ce qui se vend, combien et dans quel délai.

Andrée Mayette

Son enthousiasme l’a poussée à suivre son cours de courtière. « Je n’ai pas ma licence pour pratiquer, souligne-t-elle. Je l’ai fait par plaisir ! »

Une autre passionnée ? Depuis 10 ans, Arielle Ahuva Grenier, une Montréalaise de 33 ans, se met au lit tôt pour examiner les annonces de propriétés à vendre. Cette amoureuse de maisons ancestrales, rénovées, retapées, améliorées dit se « rincer l’œil ». « Mon père a une maison qui date des années 1780-1805, raconte cette conseillère en affaires publiques et relations médias. Quand je regarde des maisons transformées, qui épousent leur âge dans la modernité tout en conservant leur âme, j’aime ça. Ça me donne des idées. »

Tout comme Marie Plourde, Mme Grenier parle de sa curiosité comme d’un passe-temps qui lui permet de se détendre. « Si je suis angoissée par mon travail, j’y vais sur mon heure de dîner », avoue-t-elle.

L’industrie en profite

L’intérêt déployé par tous ces curieux de l’immobilier est bon pour l’industrie, croit Marc Lacasse, courtier immobilier et président de l’Association professionnelle des courtiers du Québec.

Depuis les années 1990, grâce à l’internet, les photos des maisons à vendre circulent. Mais avec l’essor des réseaux sociaux, ça atteint des niveaux jamais vus. Et il y a maintenant des galeries de photos, des vidéos, des visites virtuelles, des plans 3D… Ça multiplie les sources pour inciter à cliquer !

Marc Lacasse, courtier immobilier et président de l’Association professionnelle des courtiers du Québec

L’effet d’entraînement est réel. Il cite le cas typique de nouveaux propriétaires qui publient des photos de leur propriété ou des commentaires sur celle-ci… et titillent leurs proches. « Ils recevront la visite de leurs amis et ceux-ci vont dire : ‟ah, on aime le quartier, on serait proches de vous, faites-nous signe si vous voyez une maison à vendre dans le coin…” Les gens sont occupés, ils n’ont pas le temps de faire des recherches. »

Un autre effet de la prolifération de photos de maisons à vendre publiées est la fin du « voyeurisme » : lorsque de potentiels acheteurs se présentent à une visite libre, ils ont déjà vu l’intérieur de la demeure. « C’est la fin des wouèreux, relève M. Lacasse en riant. Les gens ont tout au bout des doigts. Les propriétés ont tellement de visibilité maintenant ! »

Bonne nouvelle pour les grands amoureux de l’immobilier comme Marie Plourde ! « J’ai une dépendance à l’habitation, note-t-elle. C’est un besoin, ça me fait du bien, comme d’autres leur verre de vin ! »