Chaque visite au Canada d'un membre de la famille royale amène avec lui un certain questionnement sur la pertinence de cette institution. La visite de 2009 du prince Charles fait un peu exception, au Québec en tout cas, par l'indifférence généralisée qui l'accompagne.

Chaque visite au Canada d'un membre de la famille royale amène avec lui un certain questionnement sur la pertinence de cette institution. La visite de 2009 du prince Charles fait un peu exception, au Québec en tout cas, par l'indifférence généralisée qui l'accompagne.

Alors que les plus récents sondages démontrent qu'environ 80% des Québécois et plus de la moitié des Canadiens désirent maintenant abolir la monarchie, la plupart des observateurs trouvent que ce débat est inutile ou encore qu'il serait trop compliqué de s'entendre sur une solution de remplacement.

Sans vouloir modifier complètement notre système de gouvernement calqué sur le parlementarisme britannique, je suis convaincu qu'une modernisation de nos institutions, en commençant par le chef d'État, serait souhaitable et réalisable. Voici pourquoi:

1. Les symboles ont une importance. Bien que le chef d'État n'ait pas, dans un système parlementaire, un rôle important dans les opérations gouvernementales, un chef d'État qui a une certaine légitimité peut avoir un impact. Alors que nos chefs d'État et leurs représentants au Canada doivent se limiter à un rôle purement symbolique, certains pays profitent largement de la sagesse de leur chef d'État, même dans des régimes parlementaires. En Israël, par exemple, Shimon Perez occupe la présidence. La lecture du livre Start-Up Nation nous démontre qu'il a également joué, grâce à son prestige, un rôle de premier plan dans le lancement d'une entreprise qui vise à faire de son pays le premier État indépendant du pétrole en créant un réseau de voitures électriques. On ne peut imaginer ni Michaelle Jean, ni la reine dans ce rôle.

2. Les institutions doivent refléter la société. Dans un article de 2002, Benoit Pelletier, qui fut par la suite ministre dans le gouvernement Charest, écrivait: «L'identité québécoise doit se refléter dans la Constitution.» On peut difficilement être en désaccord avec cette affirmation. Mais cela ne se limite pas au Québec. En effet, le Canada a beaucoup changé. Comment les Canadiens issus des nouvelles vagues d'immigration et de tradition non britannique peuvent-ils se reconnaître dans la monarchie britannique? En outre, le prince Charles s'est souvent fait critiquer pour ses prises de position sur l'architecture ou l'écologie. Voulons-vus vraiment prendre le risque qu'il décide de se mêler, en tant que chef d'État, de certains de nos débats internes, comme celui sur les sables bitumineux? Ces débats doivent se faire entre Canadiens.

3. Un prétexte pour moderniser les institutions. On dit souvent que le Canada est un pays jeune, mais nos institutions politiques auront 150 ans en 2017. L'existence continue d'un sénat non élu est un affront à notre vision de la démocratie. De même, la distribution des sièges dans nos parlements s'éloigne trop souvent de la proportion des votes lors des élections. Pourquoi ne profiterions-nous pas d'une réflexion sur la monarchie pour réfléchir également à nos autres institutions qui en bien besoin? D'ailleurs, parmi les Canadiens anglais qui proposent d'abolir la monarchie, on trouve notamment ceux qui sont les plus sympathiques à une constitution ouverte sur la question du Québec. On doit entretenir ces liens si on espère un jour aboutir à une solution à cette question.

La continuité et la stabilité sont des considérations importantes dans un régime politique. Pour cette raison, on pourrait décider de choisir de conserver le poste de gouverneur général, plutôt que de créer une présidence pour le Canada. De même, on pourrait imaginer que la reine actuelle puisse finir son règne paisiblement. C'est pour éviter la transition au règne de son successeur que nous devons nous préparer. Le temps est venu.