Le système d'éducation qui est le nôtre n'est pas seulement qu'une industrie à diplômes servant à répondre aux intérêts du marché de l'emploi. Évidemment, cette tendance existe, de plus en plus d'ailleurs. Mais il n'en demeure pas moins que l'instruction est un vecteur du vivre-ensemble dont l'importance transcende les calculs comptables.

Le système d'éducation qui est le nôtre n'est pas seulement qu'une industrie à diplômes servant à répondre aux intérêts du marché de l'emploi. Évidemment, cette tendance existe, de plus en plus d'ailleurs. Mais il n'en demeure pas moins que l'instruction est un vecteur du vivre-ensemble dont l'importance transcende les calculs comptables.

Ceci peut sembler une rhétorique creuse, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'un individu hautement scolarisé a généralement beaucoup moins de chances de se retrouver dans des situations où il devra être pris en charge par d'autres organes de l'État. Je pense notamment à un lieu d'incarcération, à l'hôpital, ou encore aux filets de sécurité sociaux existants.

Comment expliquer cette thèse a priori douteuse? C'est pourtant assez simple. Les cours de philosophie nous enseignent certaines bases de la moralité et de l'éthique; d'autre part, ils nous enseignent ce qu'est la circonspection et la modestie. Ils nous transmettent également les vertus d'un esprit critique. Au quotidien, cela se traduit entre autres par une diminution du recours à la violence. Une étude dirigée par Serge Robert, professeur au département de philosophie de l'UQAM et directeur du groupe LANCI vient d'ailleurs étayer cette thèse: en effet, le jugement moral agit comme pare-feu à l'usage de la violence.

L'expérience de socialisation, qui est l'aspect central des institutions scolaires de tous les niveaux, nous apprend ce que c'est d'interagir entre humains. Si l'interaction se fait dans un lieu et un moment où la poursuite d'une certaine vérité est l'objectif, il ne fait aucun doute que les humains qui prennent part à cet échange en sortiront grandis et socialisés d'une manière qui leur évitera fort probablement de cultiver un mode de vie autodestructeur. Des problèmes tels que la mauvaise alimentation pourraient être évités tellement facilement, pour peu que nous daignions nous éduquer à ce sujet.

Bref, on s'empresse de mesurer les coûts de la scolarisation, mais on oublie trop souvent de mesurer ceux de la non-scolarisation. Une plus importante proportion d'individus non scolarisés entraînerait vraisemblablement des coûts sociaux subsidiaires par ricochet. Or, les arguments des francs-tireurs de l'économie ne font que mesurer ce qui se présente à eux dans l'immédiat. Cela pourrait s'avérer socialement dangereux.

Lucien Bouchard, qui est rendu à un âge assez avancé, devrait pourtant avoir une expérience de vie assez longue pour se souvenir de ce qu'était le Québec en 1950. Sa sortie publique est plutôt troublante pour quelqu'un qui a connu le règne de Duplessis, où le leitmotiv du premier ministre était «l'éducation, c'est comme la boisson, y'en a qui portent pas ça!».

En ce qui me concerne, si ma facture de droits scolaire explose, j'ignore si je pourrais continuer d'étudier. Et je suis pourtant dans une situation d'emploi relativement avantageuse pour un étudiant. Le projet d'ajustement des droits de scolarité tel qu'il est présenté actuellement est sans queue ni tête.