En 1991, la conférence libérale d'Aylmer a été un événement majeur qui a porté ses fruits en donnant naissance au Livre rouge, permettant ainsi aux libéraux de remporter trois gouvernements majoritaires successifs et d'écrire une page d'histoire par l'élimination du déficit, maintenant cité en exemple partout dans le monde.

En 1991, la conférence libérale d'Aylmer a été un événement majeur qui a porté ses fruits en donnant naissance au Livre rouge, permettant ainsi aux libéraux de remporter trois gouvernements majoritaires successifs et d'écrire une page d'histoire par l'élimination du déficit, maintenant cité en exemple partout dans le monde.

La conférence libérale Canada 150, qui s'est tenue le week-end dernier à Montréal, donnera-t-elle des résultats semblables ou sera-t-elle vite oubliée?

Certes, le contexte de 1991 et celui de 2010 ne sont pas les mêmes: aujourd'hui, la population, exposée à un «tsunami» d'informations désormais disponibles sur internet, devient plus blasée, moins sensible aux clichés à saveur de vanille, et par conséquent plus critique. La convaincre demande un effort accru de persuasion, d'autant plus qu'en 2010, le politicien doit aussi convaincre des acteurs non étatiques puissants et mobiles.

Comment donc la conférence Canada 150 peut-elle devenir un événement marquant? Il y aura, sans doute, des suivis, des conférences régionales et des conventions de politiques. Mais pour que cette conférence ait le maximum d'impact, trois éléments doivent êtres réunis.

Premièrement, un recentrage: les idées présentées lors de la conférence 150 sont intéressantes, mais plusieurs sont déjà accessibles sur internet et ne sont pas le monopole du Parti libéral. Pour récolter les fruits de cette conférence, une petite équipe de synthèse devra apporter une cohérence entre les divers thèmes discutés et proposer des politiques appropriées, car la conférence a révélé quelques contradictions. Un exemple: le défi de l'emploi. Allons-nous vers des pénuries d'emplois imminentes ou une croissance sans emploi? Selon cette deuxième thèse, l'effet combiné de la baisse de la demande, de la délocalisation vers l'Asie et l'automatisation accrue nous permettra de faire plus avec moins de travailleurs. Les conséquences de ces diagnostics contradictoires sont énormes.

Deuxièmement, une idée mobilisatrice: une idée centrale mobilisatrice est indispensable. Nous parlons ici de concepts authentiques, pas de slogans usés. Bill Clinton a remporté l'élection de 1992 avec «Economics as if People matter». En 1993, les libéraux ont été élus avec la promesse de maîtriser la mondialisation, et Barack Obama en 2009 avec un message d'espoir: «Yes, we Can». Quel sera le concept libéral pour les années à venir? Il faudra trouver autre chose que «maîtriser notre futur» ou «le Canada aux Canadiens» .

Troisièmement, le Canada dans un cadre global. L'idée mobilisatrice doit aussi être réalisable. Cela signifie qu'elle doit s'intégrer dans un contexte mondial. L'électeur croit, à tort, qu'il a devant lui un avenir à choix multiples avec une marge de manoeuvre illimitée. Il coche ce qui lui plait et rejette tout ce qui déplait. Ceci est bien sûr irréel. Nous vivons dans un monde de multiples décideurs. Nous devons reconnaître et accepter les contraintes mondiales, y compris une réduction du poids économique et politique du Canada.

Cependant, c'est au niveau des idées et des valeurs que le Canada a beaucoup à offrir. Il existe un modèle canadien qui fait l'admiration du monde, même si l'on constate qu'il est malheureusement en veilleuse actuellement et que l'image du Canada à l'étranger s'est considérablement dégradée. Mais tout cela peut changer, de la même manière que l'image des États-Unis à l'étranger a changé quand Barack Obama a remplacé George Bush.

Le défi est de mettre en place des politiques à application immédiate, alliées avec une vision à long terme. Nous avons pris du retard dans plusieurs domaines: éducation, technologie, positionnement dans les économies émergentes... Il est urgent d'agir et viser l'excellence comme notre meilleure stratégie.

Dans ce contexte, l'horizon 2017 est à la fois trop lointain et trop rapproché. Le travail de renouvellement du Canada ne fait que commencer et la Conférence Canada 150 n'était qu'un préambule.

* Kimon Valaskakis est ancien ambassadeur du Canada à l'OCDE. Angéline Fournier est avocate d'affaires internationales. Les deux ont participé à la conférence d'Aylmer, en 1991.