Au Massachusetts, une adolescente de 15 ans s'est pendue, au retour de l'école en janvier, après des mois d'intimidation. David Fortin a fui le Saguenay-Lac-Saint-Jean il y a plus d'un an. Dans le silence, autour de nous, combien de jeunes songent présentement à se suicider, à quitter l'école, à se mutiler: une douleur muée en violence tournée vers soi.

Au Massachusetts, une adolescente de 15 ans s'est pendue, au retour de l'école en janvier, après des mois d'intimidation. David Fortin a fui le Saguenay-Lac-Saint-Jean il y a plus d'un an. Dans le silence, autour de nous, combien de jeunes songent présentement à se suicider, à quitter l'école, à se mutiler: une douleur muée en violence tournée vers soi.

Ou bien chez d'autres, une violence muée en rage et tournée vers l'autre, pour se débarrasser une fois pour toutes de ces visages qui rient constamment sur son passage. C'est le cas de mon fils de 16 ans qui s'est fait renvoyer de son école parce qu'il a menacé ses «agresseuses» dans ses courriels.

Ces réactions toutes différentes résultent toutefois d'une même réalité: le rejet par ses pairs.

«Maman, je ne t'en ai pas parlé parce que vous, les adultes, vous ne pouvez rien faire. C'est entre nous que ça se passe. La direction, les profs, les parents, vous ne pouvez rien faire. C'est pour ça que je n'en parlais pas. Au primaire, vous avez rencontré la direction, mais rien n'a changé...» Réponse de mon garçon à la mi-février à la fameuse question de sa mère: «Pourquoi tu ne nous disais pas que tu étais si malheureux?»

La conviction profonde et inébranlable, pendant des années, que les adultes responsables d'enfants ne peuvent rien contre le petit groupe qui se forme pour ostraciser celui qui est différent.

Mon fils, hors norme car très grand et d'allure costaude, a fréquenté tout le primaire et jusqu'en quatrième secondaire un collège où là, comme partout ailleurs, le rejet n'a pas de visage économique.

Au primaire, une rencontre avec la direction pour discuter qu'un groupe d'élèves trouvait très drôle de traiter mon fils de Bouddha. La direction a écouté...

Au secondaire, mon fils aime son collège. Il admire plusieurs de ses professeurs et est stimulé intellectuellement. Tout semble bien aller, il est toujours prêt à arriver tôt à l'école pour côtoyer ses amis gars avant les cours.

Fin du troisième secondaire, nous apprenons que mon fils utilise l'internet pour, dit-il, niaiser les filles qui rient de lui depuis le primaire. Son nouveau surnom au secondaire était maintenant renouvelé en Shrek! La direction nous rencontre pour que ça cesse. Nous acquiesçons, évidemment! Mon fils désire rester à son collège.

Au retour en septembre, plusieurs de ses amis se sont éloignés de lui. Ses copains les plus proches depuis le primaire rient toujours avec lui, mais dès que les filles approchent, ils s'éloignent. Mon fils me dit: «Je les comprends, maman, on est à l'âge où on veut séduire les filles.» Ses grands amis de jadis se retrouvent maintenant en conflit de loyauté.

Janvier 2010, mon fils nous fait part qu'il n'est plus très heureux, ses amis se lèvent maintenant de la table quand il arrive à la cafétéria. Nous trouvons cette situation très déstabilisante et lui proposons de changer d'école. Il dit aimer ses professeurs et bien s'entendre avec eux.

Le 5 février, nous sommes convoqués: notre fils n'a pas respecté ses conditions, il a recommencé à envoyer des messages à ces filles, mais cette fois-ci, il est devenu plus menaçant envers elles. Il n'a donc plus sa place au collège.

Il ne fait aucun doute que mon fils n'aurait jamais dû réagir en utilisant l'internet pour intimider à son tour. Il est impulsif et a de la difficulté depuis toujours à gérer son impulsivité. Il a pris la mauvaise voie et il en paie encore les conséquences.

Il y a les élèves qui se fondent facilement aux autres et les autres pour qui c'est, de toute évidence, plus difficile. Je trouve très triste que la différence soit encore de nos jours si mal accueillie. Si la réaction était d'ignorer l'autre, ce serait déjà triste, mais le plus grand mal vient de ce besoin, devant ses amis, d'utiliser des mots et des gestes méprisants pour diminuer une personne seule, afin de ressentir un sentiment de satisfaction. Et je m'interroge sur le sens profond du plaisir ressenti par l'être humain de faire du mal à l'autre.

N'y a-t-il pas d'autres moyens de combler ce sentiment de satisfaction de soi?