La guerre d'Irak n'a pas fini de produire des conséquences aussi imprévues qu'importantes. On en a eu encore la preuve ces derniers jours et depuis les élections démocratiques, mais non concluantes, qui viennent d'avoir lieu en Irak.

La guerre d'Irak n'a pas fini de produire des conséquences aussi imprévues qu'importantes. On en a eu encore la preuve ces derniers jours et depuis les élections démocratiques, mais non concluantes, qui viennent d'avoir lieu en Irak.

Pour Bush, Rumsfeld et les néo-conservateurs américains, la victoire rapide et décisive qu'ils escomptaient remporter en Irak devait procurer aux États-Unis des avantages multiples. Non seulement devait-elle renverser Saddam Hussein et mettre au pouvoir un régime démocratique et pro-occidental, mais elle devait, entre autres, servir d'exemple à l'Iran de ce qui pouvait l'attendre s'il ne mettait pas en veilleuse ses ambitions régionales et ses défis multiformes à la politique des États-Unis au Moyen-Orient. Or, il se trouve que l'influence régionale de l'Iran est plus importante qu'elle ne l'a jamais été, et ce, plus particulièrement en Irak même.

Peu après les élections irakiennes, le premier ministre Maliki, le chef de la plus grande formation politique chiite, qui n'a pas remporté une majorité suffisante pour former un nouveau gouvernement, s'est rendu à Téhéran (et ce n'était pas la première fois) pour demander aux dirigeants iraniens d'utiliser leur influence auprès des autres formations chiites pour l'aider à rassembler une nouvelle coalition. Moqtada Al-Sadr, le jeune mollah qui dirige une formation chiite (et une milice armée) radicalement anti-américaine, a remporté beaucoup plus de sièges que prévu. À la suite d'affrontements armés entre ses partisans et les forces armées du gouvernement sortant en 2007, il s'était réfugié en Iran où il se trouve toujours. Maliki sait que c'est sur l'intervention de l'Iran que les milices d'Al-Sadr avaient mis fin à ces affrontements et permis la consolidation de son gouvernement.

Peu après la brève visite de Maliki en Iran, son principal concurrent pour la formation d'un nouveau gouvernement, Ayad Allawi, chiite laïque quant à lui, et qui dirige une coalition dans laquelle les sunnites sont largement représentés, reprochait publiquement à son rival d'aller «prendre ses instructions» à Téhéran.

Les choses viennent cependant de changer de façon fort intéressante. Jusqu'à maintenant, l'Iran avait toujours fait savoir que l'Irak, où ses coreligionnaires chiites comptent pour 60% de la population, devait avoir un gouvernement à très forte dominante chiite. Or le 10 avril, l'ambassadeur d'Iran à Bagdad, lors d'une conférence de presse, émettait «l'opinion» que les sunnites devaient être adéquatement représentés dans un nouveau gouvernement. Il révélait qu'Ayad Allawi (à son tour) avait demandé à se rendre en Iran pour consultations politiques et qu'il y serait reçu...

Il apparaît ainsi de plus en plus clairement que l'Iran devient sinon un arbitre, du moins un médiateur presque incontournable dans les affaires politiques de l'Irak. Depuis un bon moment déjà, l'Iran se targuait non sans raison de jouer un rôle stabilisateur en Irak et d'avoir contribué à faire refluer la guerre civile qui y avait cours.

On devine aisément pourquoi Téhéran souhaite un gouvernement stable en Irak. C'est bien sûr pour faciliter le départ des troupes américaines annoncé par Obama. Depuis assez longtemps, des politiciens irakiens, kurdes notamment affirmaient que Téhéran était devenu le maître du jeu politique irakien et des collègues américains disaient que le principal bénéficiaire de la guerre d'Irak était l'Iran. Ces propos sont exagérés; mais les événements récents montrent qu'ils sont loin d'être sans fondement.

En agissant ainsi, et assez ouvertement, l'Iran veut envoyer un double message à Washington. D'une part, faire valoir son pragmatisme et montrer qu'il pourrait être un partenaire utile si un compromis (dilatoire ou plus avantageux pour elle que celui qui a été mis sur la table) pouvait être trouvé sur l'épineux dossier nucléaire iranien.

D'autre part, l'Iran signale ainsi sa capacité de créer des difficultés fort importantes aux États-Unis s'ils exerçaient contre lui «l'option militaire» qu'ils refusent d'écarter ou si ils ne réussissaient pas à retenir leur allié israélien d'y avoir recours unilatéralement.