Sir Wilfrid Laurier, au début du XXe siècle, interpellait Henri Bourassa en lui disant que «la province de Québec n'avait pas d'opinions (politiques). Elle n'avait que des sentiments». Depuis toujours, les Québécois ont l'émotion débordante et facile. En politique, ils ont peu d'idées. Ils sont volatils, inconstants, toujours manipulables.

Sir Wilfrid Laurier, au début du XXe siècle, interpellait Henri Bourassa en lui disant que «la province de Québec n'avait pas d'opinions (politiques). Elle n'avait que des sentiments». Depuis toujours, les Québécois ont l'émotion débordante et facile. En politique, ils ont peu d'idées. Ils sont volatils, inconstants, toujours manipulables.

En général, ils s'intéressent à la politique lorsque la magouille se pointe, lorsque les allégations et les malversations affichent complet, lorsque le mot «corruption» monte au palmarès. La politique, c'est sale: il ne faut pas s'occuper de ça! Mais lorsqu'elle se présente sous cet angle privilégié, ils pataugent dans l'auge comme de vulgaires cochons. Les éclaboussures, les insinuations, les anonymats, les «paraît-il», les «y paraît que...», les «est-ce possible que...» virevoltent dans l'air irrespirable, puant, nauséabond, vicié. Les badauds, inconscients et volubiles, applaudissent le climat de décomposition. Ça pue, c'est sale, c'est puant, c'est merdier, ça nous ressemble. Mon Dieu, que ça va bien!

À Ottawa, le scandale des commandites a permis au parti de Lucien Bouchard (parti éphémère qu'il avait dit...) de faire trois élections et de les gagner toutes: la première pour affirmer que le scandale des commandites s'en venait; la deuxième pour dire qu'on était dedans; la troisième pour dire qu'il avait eu lieu.

Les rouges étant jugés incapables de gouverner, la population canadienne les a remplacés par les bleus. Ces derniers, peu habitués à mener la barque fédérale, sont maintenant, eux aussi, ballottés par des odeurs de scandales. Les rouges et les bleus étant jugés inaptes à bien gouverner, on ne sait plus trop qui mettre au pouvoir.

À Québec, les émotions sont plus déchaînées que jamais. Le ton est acrimonieux, les regards vengeurs, les gestes excessifs. Le budget Bachand n'est plus à l'ordre du jour. Pourquoi s'intéresser à la dette des Québécois (220 milliards) et aux prévisions budgétaires en cours? Les oppositions, sans doute incapables de faire mieux que ce qui a été présenté sur la table de famille, ont trouvé un filon, électoralement bien plus rentable: les scandales. Comme à Ottawa. Accrochées à cette bouée inespérée, elles salivent d'en faire leur plat quotidien.

Aucune question maintenant sur le budget et la défense des régions. Aucune question sur l'aide aux forestiers. Aucune question sur les transferts fédéraux, sur l'aide aux pêcheurs, aux défavorisés, aux malades dans les corridors, aux patients en attente d'une chirurgie, aux étudiants en difficulté financière. Aucune question sur le calendrier scolaire, les garderies, la réforme pédagogique (?), les négociations dans le secteur public. Il n'y en a plus que pour les scandales réels ou potentiels.

Les gros mots accrocheurs sifflent dans l'air du Salon de la dégénérescence. Les quolibets s'accumulent. Les appels à l'ordre se multiplient. La grosse artillerie s'aligne des deux côtés. C'est la guerre des tranchées. On cite les journaux. On exhibe des liasses de dollars. On répète quatre fois la même question sans avoir de réponse. On n'écoute pas la réponse puisqu'on se prépare à lire et à poser la suivante. Les coups bas sont permis. Chacun a la sainte immunité parlementaire. On peut se lancer de la boue à pleines mains puisque chacun sait qu'il ne sera pas poursuivi pour l'avoir fait. Gamins de rue à l'oeuvre!

Le Québec actuel me fait vomir. J'ai honte de tous les élus. De ceux qui dirigent et de ceux qui aspirent à le faire. Si, demain matin, il y avait un scrutin général, je me rendrais aux urnes et j'annulerais mon vote. Il y a des limites à passer pour des caves.

Le Québec mérite mieux que cela. Y a-t-il encore des gens dans la salle de spectacle, conscients du danger de l'effondrement de la démocratie et qui, lucidement, sacrifieront quelques années de leur vie pour redresser cette situation chaotique? Il faut l'espérer.