L'intervention récente d'un groupe de médecins sur ce qu'ils ont appelé le «ticket modérateur», est légitime dans notre démocratie. Le problème est que cette intervention ne réglera en rien le financement de la santé.

L'intervention récente d'un groupe de médecins sur ce qu'ils ont appelé le «ticket modérateur», est légitime dans notre démocratie. Le problème est que cette intervention ne réglera en rien le financement de la santé.

Dans le débat actuel, ce n'est pas l'idéologie des uns ou des autres qui importe, mais bien l'établissement d'un diagnostic sérieux sur notre système de santé. Prétendre que ce ticket modérateur viendra tout défaire tout en s'abstenant de proposer des solutions concrètes, comme l'ont fait les médecins de première ligne, laisse perplexe.

Notre système de santé est basé sur le rationnement des services: on fonctionne à «enveloppe fermée». Lorsqu'on a dépensé l'enveloppe budgétaire prévue, on restreint l'accès aux services, notamment en limitant le nombre d'actes médiaux de certains spécialistes. En définitive, ceci se traduit par des listes d'attentes.

Ce n'est donc pas un problème de pénurie de main-d'oeuvre qui est à la base des difficultés. Le Québec a plus de médecins per capita qu'ailleurs au Canada. Nos infirmières travaillent moins d'heures en moyenne que les infirmières canadiennes et ontariennes. Comme ce fut souligné dans de multiples études, notre problème en est un de gouvernance, de manque d'évaluation et de concurrence, ainsi que de rigidité dans l'organisation du travail du monde médical.

Il y a aussi très certainement des moyens financiers inadéquats. La main-d'oeuvre médicale comme les équipements sophistiqués et coûteux sont utiles que s'ils sont utilisés. Pourquoi former des spécialistes hautement qualifiés si on limite leur temps de pratique? Pourquoi sous-utiliser nos équipements? On attribue en partie le manque de médecins de famille à leur salaire trop faible relativement à celui des spécialistes. Ceci fait aussi partie d'une logique de rationnement.

Il faut donc faire un choix : soit on continue le rationnement, soit on fait autrement. Il faut revoir l'organisation du système, mais en attendant, il faudra continuer à financer un système dont les coûts augmentent même si on ne traite pas plus de gens, ou on ne change rien du tout. La proposition du gouvernement d'une contribution santé et d'une franchise ne représentera à terme que 3% des dépenses publiques de santé. Le reste est financé par des impôts progressifs et des taxes.

Plusieurs pays avec un système public de santé évolué ont recours au ticket modérateur. Des études de l'OCDE montrent que l'accessibilité et l'équité ne sont pas vraiment mises en cause par le ticket modérateur. De plus, la proposition québécoise retiendrait le T4 santé du rapport Castonguay, contrairement au ticket modérateur chargé à la visite en vigueur dans plusieurs pays. C'est-à-dire qu'au Québec, le déboursement ne se fera pas au moment de l'acte, mais lors du rapport annuel d'impôts. Et si vous êtes parmi les 43% des contribuables qui ne paient pas d'impôts, vous en serez vraisemblablement épargnés.

Évidemment, on répliquera qu'il faut taxer davantage les riches et les entreprises. Mais, il n'y a pas assez de riches au Québec pour faire le compte et la concurrence fiscale entre les États nous empêche de surtaxer les entreprises.

Les médecins ont dénoncé ce ticket modérateur en soulignant que certains éviteraient de se faire soigner pour ne pas le payer. Lorsqu'une personne décide de ne pas voir un dermatologue parce qu'en fin d'année cette visite pourrait lui coûter quelque chose, c'est son choix. Si dans six mois, la situation s'est aggravée, il s'agit d'une très mauvaise nouvelle. Mais si la même personne doit attendre six mois avant de voir un dermatologue à cause du rationnement du système de santé faute d'un financement inadéquat, ce n'est pas son choix et dans six mois la nouvelle sera tout aussi triste.

Docteurs, essayons de faire le bon diagnostic. Évitons de rendre une situation déjà complexe encore plus confuse. En santé, le financement de l'utilisateur payeur est d'environ 6%. Tout est prévu pour baliser les contributions. Il faut espérer que l'on puisse passer d'un système rationné à un système plus efficace lorsque nous aurons à l'utiliser au cours de sa vie.