En 1992, le but premier de la réhabilitation accordée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire était d'éliminer autant que possible les conséquences négatives d'une condamnation criminelle, une fois que le délinquant avait purgé sa peine. Tel était du moins l'objectif du gouvernement fédéral.

En 1992, le but premier de la réhabilitation accordée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire était d'éliminer autant que possible les conséquences négatives d'une condamnation criminelle, une fois que le délinquant avait purgé sa peine. Tel était du moins l'objectif du gouvernement fédéral.

Déjà, à cette époque, il n'était plus question de «pardon» dans la loi. Cette reconnaissance de la réhabilitation n'a pas d'effet absolu: ce geste administratif n'efface pas le passé. Impossible de nier l'existence d'une condamnation. Ces informations relèvent du domaine public.

Selon l'esprit de la loi, si les faits de l'infraction demeurent, la réhabilitation aide à combattre les stigmates associés à la condamnation. Puisque les préjugés envers les condamnés doivent être combattus, l'intégrité morale du contrevenant devrait renaître avec le passage du temps.

Ces jours-ci, d'un revers de manche, le gouvernement conservateur propose de gommer l'idée de rédemption. La vengeance sert de mantra. Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu parle clairement: «Bien qu'une peine d'emprisonnement puisse prendre fin, la souffrance causée aux victimes peut dans la majorité des cas durer toute une vie.» Autrement dit, même si un détenu a purgé sa peine, seul le capital de sa dette envers la société serait remboursé. Il lui faudrait aussi payer l'intérêt sa vie durant.

Le casier judiciaire, c'est quoi au juste? Au plan juridique, il s'agit du support officiel de l'information colligée par les autorités policières relativement aux condamnations criminelles pour violation des lois fédérales. Des fichiers informatisés permettent d'identifier les accusés à l'aide de photos, d'empreintes digitales, de mensuration et la mention de signes distinctifs.

Au Canada, la GRC assume la responsabilité de la gestion de cette base de données. Dans cette banque centrale, le Synopsis dossier judiciaire (SDJ) contient les renseignements sur tous les démêlés d'une personne avec la justice, incluant les inculpations, les acquittements, les libérations, les retraits d'accusations et les arrêts de procédure.

Concrètement, une personne est fichée dans le SDJ lorsque ses empreintes digitales sont recueillies par un service de police et subséquemment transmises à la GRC, qui attribue un numéro de dossier pour la personne visée. L'essentiel du casier judiciaire est là.

La Loi sur l'identification des criminels oblige les personnes «inculpées» ou «condamnées» à se soumettre au processus de prise d'empreintes digitales et de photos. Dans l'un des innombrables projets de loi présentés par le gouvernement Harper en matière de justice, il est proposé d'assujettir les personnes simplement « arrêtées » au processus d'identification obligatoire.

Que fait le gouvernement Harper pour protéger les personnes qui sont blanchies par la justice dans les circonstances suivantes: acquittement, libération, retrait d'accusation ou arrêt de procédure? Les lois précitées sont silencieuses sur le sujet. Rien n'oblige les autorités policières à détruire l'original ou les copies des bases de données servant au renseignement policier. Certes, une pratique administrative permet d'en demander la destruction. Ça permet peut-être d'enrayer la circulation des informations. Cependant, il n'existe aucune certitude à l'effet que tout disparaît.

C'est la face cachée du casier judiciaire.

Les autorités américaines de l'immigration ont accès à de multiples bases de données partout dans le monde. Parmi celles-ci, il y a celles de la GRC. Par conséquent, sans égard à la décision finale rendue par la justice canadienne, les douaniers américains tiennent compte des arrestations en sol canadien et des accusations portées, y compris celles ayant fait l'objet de rejet et d'élimination dans les bases de données canadiennes.

Le libre-échange entre le Canada et les États-Unis des données inhérentes à la constitution du casier judiciaire peut causer un préjudice irréparable aux citoyens canadiens. En effet, une personne honorablement acquittée peut néanmoins être déclarée indésirable par les douaniers américains. Le motif: son arrestation et sa mise en accusation révèlent un démêlé avec la justice.

Plutôt que de mendier des votes en s'affichant avec des victimes d'agression sexuelle, le premier ministre canadien ferait mieux de protéger ses concitoyens qui ont subi l'épreuve de la justice et dont l'innocence présumée fut ensuite confirmée par un tribunal.

Il suffirait de modifier la loi actuelle pour empêcher le transit des casiers judiciaires avant le jugement final et l'expiration des délais d'appel. Privées de ces renseignements, les autorités américaines ne pourraient pas en faire usage de façon oblique ou arbitraire, surtout après qu'un voyageur ait été blanchi par la justice canadienne.