De la Grande-Bretagne nous est parvenue la semaine dernière une belle leçon de démocratie. Même si nous avons les mêmes systèmes parlementaire et électoral, les pratiques et exigences démocratiques du Canada font bien pâle figure lorsque comparées à celles des Britanniques.

De la Grande-Bretagne nous est parvenue la semaine dernière une belle leçon de démocratie. Même si nous avons les mêmes systèmes parlementaire et électoral, les pratiques et exigences démocratiques du Canada font bien pâle figure lorsque comparées à celles des Britanniques.

Car c'est bien vers la Grande-Bretagne qu'il faut se tourner pour comprendre comment fonctionnent les parties non écrites de notre constitution, celles où le pouvoir politique est antérieur au droit et où les rapports de force dictent les pratiques et les conventions. C'est à ce type de moment de réécriture des règles que nous assistons maintenant au Canada.

Même si son parti a obtenu le plus de sièges en Chambre (306 sur 650), David Cameron, le chef du parti conservateur - contrairement à son homologue canadien - ne s'est pas senti autorisé à s'emparer du pouvoir du gouvernement sans auparavant avoir obtenu le soutien et la confiance de la majorité en Chambre.

Ce n'est qu'après avoir sécurisé le soutien des libéraux-démocrates via la formation d'un gouvernement de coalition que M. Cameron est entré au 10, Downing Street. Le chef conservateur aurait pu agir comme le parti de Stephen Harper au Canada et mettre la main sur le pouvoir du gouvernement sans avoir la confiance d'une majorité parlementaire, mais il ne l'a pas fait.

De ce geste, une conclusion s'impose avec force: le Canada se contente de standards de démocratie moins élevés qu'en Grande-Bretagne. Ici, un parti politique peut s'emparer du pouvoir du gouvernement sans au préalable avoir la confiance d'une majorité au parlement. Il s'agit pourtant là d'une convention constitutionnelle fondamentale dans un système de Westminster.

À cela on répondra que les configurations partisanes sont différentes au Canada et que les libéraux-démocrates britanniques sont suffisamment proches des conservateurs sur le plan idéologique pour rendre faisable la formation d'un gouvernement de coalition. Étant donné qu'au Canada une telle affinité idéologique n'existe pas entre les conservateurs, le NPD et le Bloc, le parti de Stephen Harper aurait en quelque sorte été «forcé» et n'aurait eu d'autre choix que de gouverner seul sans jamais jouir du soutien d'une majorité en Chambre.

C'est dans ce raisonnement, largement implicite jusqu'à présent, que l'expérience britannique de la semaine dernière vient faire apparaître des failles importantes. Depuis quand, dans un État de droit et une démocratie digne de ce nom, les idéologies des partis passent-elles avant les conventions et les pratiques constitutionnelles? Au nom d'une prétendue incompatibilité idéologique avec les «séparatistes» et les «socialistes», les conservateurs de M. Harper nous imposent des standards de démocratie plus bas qu'en Grande-Bretagne.

Pourtant, les idéologies ne sont jamais fixes et rigides. Stéphane Dion - qui n'est certainement pas moins fédéraliste et canadien que Stephen Harper - a montré en 2008 que des compromis partisans étaient possibles pour mettre en place un gouvernement qui a la confiance d'une majorité au parlement.

On se souviendra de la campagne que les conservateurs avaient alors menée contre le Bloc à l'extérieur du Québec. Ce n'est qu'en diabolisant le Bloc comme un ennemi voué à la destruction du Canada que les conservateurs ont réussi à faire avorter le projet de coalition et ainsi continuer à gouverner sans la confiance d'une majorité parlementaire.

L'une des grandes forces du fédéralisme est son pouvoir intégrateur. Faut-il rappeler que le Bloc a déjà prêté serment au monarque britannique et joué le rôle de loyale opposition de Sa Majesté? Le manque d'appétit des Québécois pour la cause indépendantiste rend sa position à l'intérieur des institutions fédérales instables. Dans ce contexte, toute offre visant à donner au Canada un gouvernement qui jouirait d'une majorité de soutiens en Chambre générerait sur le Bloc des pressions difficiles à résister.

Les conservateurs de M. Harper ont agité l'épouvantail du «séparatisme» et du «socialisme» pour s'approprier le pouvoir du gouvernement sans soutien majoritaire du parlement. Ils en ont profité pour abaisser la barre de la démocratie au Canada. Les citoyens d'ici se voient ainsi privés des standards de démocratie auxquels ils ont droit.