En accueillant la Coupe du monde 2010 dans neuf villes (minimum 500 000 habitants), réparties de façon homogène sur l'ensemble du pays, l'Afrique du Sud a joué la carte d'une dynamisation de son tissu urbain à travers l'organisation de ce méga-événement, de la même façon que les éditions de 1998 et de 2006, mais à une échelle beaucoup plus importante.

En accueillant la Coupe du monde 2010 dans neuf villes (minimum 500 000 habitants), réparties de façon homogène sur l'ensemble du pays, l'Afrique du Sud a joué la carte d'une dynamisation de son tissu urbain à travers l'organisation de ce méga-événement, de la même façon que les éditions de 1998 et de 2006, mais à une échelle beaucoup plus importante.

Près de 4 milliards de dollars américains sont alloués à l'organisation de cette manifestation, dont plus de 2,5 milliards uniquement pour les aménagements urbains liés directement à la Coupe du monde.

Qualifié de renaissance pour le pays par l'ancien président Thabo Mbeki et par l'actuel chef de l'État, Jacob Zuma, la Coupe du monde porte en elle d'importants espoirs de développement pour toute une nation et en particulier pour des métropoles laissées à elles-mêmes depuis le début des années 90.

Crise économique ou pas, les élites politiques et économiques nationales tablent sur des retombées financières «sidérantes» et «stupéfiantes»: on parle de 7 milliards injectés directement dans le produit intérieur brut (PIB), de 200 000 emplois saisonniers créés, dont 50 000 permanents à terme et de 2,5 milliards en recettes fiscales.

Ces prévisions se réaliseront-elles? Cela reste à voir, mais ce qui se révèle le plus intéressant dans ce méga-événement est l'accent mis sur la satisfaction des exigences urbaines de la FIFA.

Première puissance du continent africain, l'Afrique du Sud n'en reste pas moins un pays en retard par rapport aux standards occidentaux d'accueil, de transport et de communication, ce qui l'oblige à combler, en quelques années seulement, cette déficience urbaine afin d'être prête pour recevoir la Coupe du monde 2010.

Pour ce faire, le pays planifie, construit et aménage de nombreux hôtels, des routes, des stades, des aéroports et d'autres voies ferrées. L'Afrique du Sud a dû modifier rapidement ses façons d'agir et d'envisager son territoire.

Constituée de neuf provinces depuis 1994, l'Afrique du Sud est aux prises avec d'importants clivages politiques et institutionnels, entre les gouvernements centraux et provinciaux, notamment sur les dossiers concernant l'aménagement du territoire. Opposant le Nord au Sud, c'est-à-dire la capitale Pretoria aux principales agglomérations de province (Le Cap, Johannesburg, Durban, etc.), ces antagonismes politiques, économiques, culturels et territoriaux freinent indéniablement tout projet de développement pan-national.

Rallier toute une population, tout un pays, derrière un monumental effort commun n'est pas chose aisée en Afrique du Sud, surtout dans un contexte économique difficile ravivant plusieurs tensions raciales et d'autres problèmes entre classes sociales.

En outre, malgré l'organisation de la Coupe du monde de rugby en 1995, ainsi que la tenue de divers championnats d'envergure continentale et internationale, le pays ne possède pas une énorme expérience en matière d'accueil de méga-événements culturels et sportifs.

Ce handicap organisationnel est renforcé par des systèmes institutionnels faiblement réactifs dans un contexte urbain désormais mondialisé qui exige de ces organes une flexibilité et une rapidité d'action.

En conséquence, l'enjeu de cette Coupe du monde est de taille pour l'Afrique du Sud qui fait encore partie d'un monde émergent, mais de plus en plus «dominant». Comme preuve de ce faible savoir-faire organisationnel, le budget de construction des infrastructures sportives et d'accueil a augmenté à plusieurs reprises depuis 2004, principalement en raison d'une hausse des coûts des matériaux de construction, d'une difficulté à obtenir les terrains nécessaires pour l'érection de ces équipements, d'une spéculation foncière, du retrait de divers investisseurs privés et d'importants retards de mise en oeuvre de ces chantiers. (...)

Effacer le souvenir de l'apartheid

(...) À la veille de cette Coupe du monde, de grandes réalisations urbaines sont à noter dans le paysage sud-africain.

Le centre-ville de Johannesburg a été fortement remodelé de manière à mettre en valeur ses attributs touristiques. Cette ville s'est vue doter d'une nouvelle ligne de train rapide la reliant à Pretoria et à l'aéroport international OR Tambo (projet Gautrain).

Par ailleurs, toujours dans cette logique d'embellissement, une bonne partie du front de mer de la ville du Cap a été réaménagée en vue d'y implanter le stade Green Point, mais, surtout, tout un complexe récréotouristique à visée internationale sur plus de 60 hectares.

Parallèlement, la métropole de Durban a engagé d'importants travaux de régénération de toute sa façade nord en y construisant, notamment, un nouvel aéroport international.

Enfin, la ville de Rustenburg, la plus petite agglomération hôte de ce Mondial, a largement renforcé son secteur touristique en construisant de nouveaux complexes hôteliers et différents parcs à thèmes.

Outre l'utilisation de l'organisation de la Coupe du monde 2010 comme vecteur de développement urbain, l'Afrique du Sud utilisera la manifestation pour redorer son image, bien écornée par un passé ségrégationniste. Malgré des paysages très attractifs, le pays peine à développer pleinement son secteur touristique en raison de cette particularité politico-historique, mais aussi, et surtout, en raison d'une réputation de pays violent; certaines de ses villes connaissent des violences urbaines et interraciales importantes, notamment concentrées dans de gigantesques bidonvilles.

En somme, ce Mondial arrive à point nommé pour entreprendre de nouvelles stratégies de marketing urbain et d'image de marque. Bien sûr, il est illusoire de croire que la tenue d'un tel événement diminuera le taux de criminalité urbaine et la pauvreté extrême des quartiers défavorisés sud-africains; mais elle peut fortement contribuer à changer la perception que se fait le reste du monde, en renvoyant l'image d'une nation soudée, dynamique et surtout désormais capable d'organiser de méga-événements mondiaux.

* L'auteur est chercheur permanent du Groupe de recherche sur les espaces festifs (GREF), à Montréal. Ce texte est extrait du livre Géopolitique de la Coupe du monde de football 2010. Sous la direction d'Éric Mottet, l'ouvrage comprend aussi des textes de Jean Gounelle, Sylvain Lefebvre et Yann Roch. Publié par les éditions du Septentrion, le livre sera disponible en librairie la semaine prochaine.