Le récent sondage CROP commandité par l'Idée fédérale, un nouveau «think tank» fédéraliste québécois, semble avoir réjoui les partisans de la dépendance du Québec à l'égard du Canada. Plusieurs interventions convergent pour accréditer l'idée que la souveraineté serait dépassée aux yeux de 58% des Québécois.

Le récent sondage CROP commandité par l'Idée fédérale, un nouveau «think tank» fédéraliste québécois, semble avoir réjoui les partisans de la dépendance du Québec à l'égard du Canada. Plusieurs interventions convergent pour accréditer l'idée que la souveraineté serait dépassée aux yeux de 58% des Québécois.

Or ces chiffres sont étonnants quand on les compare à certaines données du même sondage qui montre que seulement 26% croient que «depuis 30 ans, la plupart des différends se sont réglés à la satisfaction des deux parties».

La question du sondage se lit comme suit: croyez-vous que «le débat sur la souveraineté du Québec est dépassé»? On demande aux citoyens de se prononcer sur «le débat» et non sur le projet souverainiste lui-même. La différence entre les deux est de taille, pourtant allègrement ignorée par plusieurs commentateurs, dont l'ex-adéquiste Sébastien Proulx, l'un des commanditaires du sondage. Celui-ci affirme dans La Presse du 21 mai que «la souveraineté est un projet dépassé pour plus de 58% des répondants». On a pourtant mesuré dans d'autres sondages la lassitude de la population face à un débat qui dure depuis trop longtemps sans qu'on en arrive à une solution.

Ce groupe de 58% comprend sans doute des opposants à la souveraineté, mais aussi des souverainistes ou des nationalistes déçus ou fatigués, en panne d'espoir, et peut-être même des indépendantistes pressés qui veulent parler d'indépendance et surtout la réaliser plutôt que de «débattre de la souveraineté». La vraie conclusion qu'il faut tirer du sondage CROP n'est pas une baisse de l'appui au projet souverainiste, mais une baisse de l'espoir qu'elle se réalise.

Une autre question fait saliver les commentateurs fédéralistes. C'est celle où 51% des répondants affirment que «depuis 30 ans, les nations ont tendance à se regrouper afin de mieux affronter les défis de la mondialisation», contre 25% qui pensent que la tendance est à l'indépendance des nations. Ces chiffres amènent Sébastien Proulx à écrire: «Vouloir se refermer à l'intérieur de ses frontières toutes québécoises relève du non-sens en 2010.» En fait, depuis 30 ans, on a assisté dans le vaste monde à la dislocation de la plupart des fédérations et on a assisté à la création d'aucune nouvelle fédération. Pendant ce temps, les Nations unies se sont accrues d'une quarantaine de pays, à 192.

La question du sondage est fortement biaisée, car je répondrais oui aux deux volets de la question. On peut être pour l'indépendance et pour le regroupement des pays, mais pas sous la forme d'une fédération où une nation est dominée par une autre comme au Canada. Il ne se fait plus de nouvelles fédérations multinationales, une idée dépassée depuis longtemps, mais il est exact que les États s'associent de plus en plus sur la base de leur souveraineté. Toutes les nations, particulièrement les nations minoritaires, veulent avoir accès directement aux organisations internationales, et non pas via un État fédéral qui ne représente pas leurs valeurs et leurs intérêts.

Mais il y a pire! Nous avons démontré lors d'un récent colloque que le régime canadien n'est pas une vraie fédération. Les constitutionnalistes utilisent parfois le terme de «quasi-fédération», parce que le gouvernement fédéral détient le pouvoir constitutionnel et le pouvoir financier nécessaires pour désavouer les décisions démocratiques du peuple québécois dans tous les domaines.

Autrement dit, le «statu quo» est une fiction, car le régime canadien n'est pas stable. Il ne peut que se centraliser davantage à Ottawa, minorisant de plus en plus le Québec, le soumettant au pouvoir fédéral dans des domaines aussi vitaux que la langue et l'environnement. Le fédéralisme renouvelé est rejeté par les trois quarts des Canadiens des autres provinces qui se refusent à tout transfert de compétences au Québec et même à reconnaître le Québec comme une nation.

Dans un tel contexte, prétendre que l'indépendance du Québec est une idée dépassée et faire la propagande de cette idée témoigne d'un aveuglement ou d'un manque de solidarité nationale désolant, pour ne pas dire plus!