Personne n'est pour l'avortement. Aucune femme ne souhaite vivre une interruption de sa grossesse, que cette difficile décision vienne d'elle-même ou que ce soit la nature qui ait déclenché une fausse couche. Car la nature provoque des avortements spontanés et tue régulièrement, environ une fois sur six, l'enfant en devenir. Peut-on être contre la nature?

Personne n'est pour l'avortement. Aucune femme ne souhaite vivre une interruption de sa grossesse, que cette difficile décision vienne d'elle-même ou que ce soit la nature qui ait déclenché une fausse couche. Car la nature provoque des avortements spontanés et tue régulièrement, environ une fois sur six, l'enfant en devenir. Peut-on être contre la nature?

On ne devrait plus accepter de discuter de cette question en termes de pour ou de contre, c'est trop réducteur. Si l'avortement existe, c'est que nous sommes, nous les humains, différents des autres espèces: nous aimons nos enfants à naître, ils font partie de nos rêves, ils sont notre avenir. Nous nous projetons en eux, nous leur prêtons nos pensées, nos sentiments.

Certains crient au crime sans distinction. Avorte-t-on un blastocyste, amas de cellules de quelques jours? Un embryon de deux mois sans cortex cérébral? Un foetus de quatre mois qui, aussi mignon soit-il, n'a pas encore développé de conscience? De quoi, de qui parle-t-on?

Chacun de nous, vivant, avons été préprogrammé le jour de notre conception. Petit zygote unicellulaire, déjà, nous avions une identité génétique, nous étions en grande partie ce que nous sommes devenus. La part d'inné et d'acquis reste un mystère comme celui de l'embryogenèse. Ceux qui sacralisent le développement de l'embryon, qui nous préviennent de ne pas être présomptueux, de ne pas jouer aux apprentis-sorciers sans réfléchir, n'ont pas tout à fait tort.

On dit que le poupon naissant à terme est un mammifère des plus vulnérables. Le petit d'homme naît trop tôt, son seul espoir de survie est entre les mains de ses semblables. D'ailleurs, il ne sait pas qui sont ces parents qui s'agitent devant lui. Il n'a pas la conscience de soi qu'il acquerra plus d'un an après sa naissance. Cela permet-il de le tuer en toute impunité? On l'a fait pendant des siècles jusqu'à tout récemment, on le fait encore dans plusieurs pays, pour un oui ou pour un non, parce que c'est une fille plutôt qu'un garçon, parce qu'il naît mal formé, trop différent, non conforme, malade... Quand tuer la vie devient-il un crime?

La vie humaine est sacrée. Elle mérite d'être protégée. C'est précisément parce que la vie devient précieuse à nos yeux que la question de l'avortement se pose aux femmes. Qu'on ne s'y trompe pas, celles qui vivent une interruption de grossesse n'en ressortent jamais indemnes. Les autres, celles qui choisissent de devenir mères, sanctifient la vie davantage qu'hier, car au Québec, chaque bébé qui voit le jour naît malgré cette possibilité de l'avortement; la valeur des enfants qui viennent au monde n'en est que rehaussée.

La maternité est une lourde responsabilité. On oublie que chaque femme en âge de concevoir vit dans son corps la laborieuse préparation à la procréation: elle prépare un oeuf, elle construit un nid mensuel. Notre société masculine ne tient pas compte de ce travail de tous les jours, les puritains quant à eux ignorent cet aspect de la sexualité qui reste tabou, au mieux, nos humoristes s'amusent des variations hormonales d'un cycle en montagnes russes; mais les femmes, elles, connaissent cette réalité la plus grande partie de leur vie. La question de l'avortement, consciemment ou non, est au coeur de la vie de chaque femme, chaque mois.

La femme fertile se prépare à enfanter, enceinte, elle crée un nourrisson à même sa chair, avec son sang, son souffle, au coeur de ses entrailles. À qui appartient le ventre de cette femme? Voilà une bonne question en ces temps de recrudescence de l'obscurantisme. Son utérus est-il la propriété de la société, de son mari ? Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas disposer du corps complet autour de ce ventre et en signer la possession en le recouvrant totalement d'un voile opaque? Où s'arrête la propriété de la chair des autres?

Ton corps, c'est TON corps, apprend-t-on aux petits enfants québécois. Faut-il changer cette devise?

Personne n'est pour l'avortement. Tout le monde est pour la vie. Et au Québec, on peut compter sur les femmes qui ont des droits qu'elles savent assumer avec responsabilité.