Lors d'une allocution prononcée le 18 mai dernier, le président de la société Aéroports de Montréal (ADM) a annoncé qu'il favorisait clairement le projet de navette ferroviaire dédiée, appelée l'Aérotrain, plutôt qu'une desserte intégrée au réseau de train de banlieue proposée par l'Agence métropolitaine de transport (AMT), avant même que les conclusions des études en cours ne soient rendues publiques.

Lors d'une allocution prononcée le 18 mai dernier, le président de la société Aéroports de Montréal (ADM) a annoncé qu'il favorisait clairement le projet de navette ferroviaire dédiée, appelée l'Aérotrain, plutôt qu'une desserte intégrée au réseau de train de banlieue proposée par l'Agence métropolitaine de transport (AMT), avant même que les conclusions des études en cours ne soient rendues publiques.

Si, à première vue, l'idée même d'un lien ferroviaire reliant l'aéroport Trudeau au centre-ville paraît séduisante et pratique, sa nécessité et sa rentabilité sont loin d'être évidentes. Une étude récente démontre que le succès d'une navette ferroviaire dépend largement de la distance séparant l'aéroport du centre-ville. Plus un aéroport est éloigné, plus coûteux est le tarif exigé par le taxi. Or, l'aéroport Montréal Trudeau n'est situé qu'à 25 km du centre-ville et la course en taxi ne coûte que 38$, ce qui est très raisonnable par rapport à d'autres villes dans le monde. De plus, la STM offre maintenant un nouveau service Express bus 747 pour un tarif de 7$ l'aller simple.

Dans sa présentation, le PDG d'ADM fait grand état de l'aéroport d'Oslo, en Norvège, dont la navette ferroviaire obtient une part de marché de 37%. Ce qu'il omet de dire, c'est que cet aéroport est situé à 48 km du centre-ville (comme Mirabel). Les Norvégiens ont choisi de développer un aéroport éloigné d'Oslo, un choix logique, écologique et durable.

À Montréal, on est allés à contresens en ramenant les vols commerciaux de Mirabel à Dorval, un aéroport enclavé, à proximité du centre-ville et qui se prête mal à une desserte ferroviaire dédiée puisque la plupart des usagers habitent ailleurs qu'au centre-ville. Quant à ceux qui visitent Montréal, ils vont souvent préférer un accès direct à leur destination finale (via le taxi, le bus ou l'automobile) plutôt que de transiter par une gare ferroviaire.

Prenons l'exemple d'un couple de touristes européens séjournant à l'hôtel Le Méridien, sur Sherbrooke Ouest. S'ils ont le choix entre un déplacement direct en taxi pour 38$ et une randonnée en navette ferroviaire vers la gare centrale dont le coût par personne est estimé entre 12$ et 15$, plus un transfert par taxi (ou un long périple en métro ou en autobus) qui va ajouter encore plusieurs dollars et beaucoup de tracasseries et de fatigue reliée notamment au transport et à la manipulation des bagages, que vont-ils faire selon vous?

ADM s'attend à desservir quelque 3,5 millions d'usagers sur son éventuel Aérotrain, soit une part de marché de 18% à 25%. Cette estimation semble grandement exagérée à la lumière des expériences étrangères. La plupart des grandes capitales de ce monde n'ont pas un trafic passager suffisant pour justifier une desserte dédiée. Même Paris n'a pas encore un tel service et ce n'est certainement pas le cas de Vancouver dont le Canada Line est un service de type «train de banlieue» comportant pas moins de 14 stations entre l'aéroport et le centre-ville.

Le projet de navette ferroviaire remonte à 2001. On estimait alors les coûts d'immobilisations à 150 millions avec un service non dédié attirant une part de marché d'environ 5%. Ce projet avait le mérite d'améliorer l'offre de service de transport en commun dans l'ouest de l'île de Montréal. Aujourd'hui, on estime les coûts à 600 millions, assumés à parts égales par les gouvernements du Québec, du Canada et le secteur privé (ADM). Or ces coûts pourraient dépasser le milliard de dollars, comme l'indique l'article de La Presse paru le 20 mai. À défaut de nous présenter des études indépendantes démontrant la rentabilité financière et sociale d'un tel projet, il faut stopper l'Aérotrain qui, tel un train fou et sans contrôle, risque de nous faire dérailler.