Le dépôt du projet de loi 103 semble susciter des réactions mixtes, mais très prévisibles. Bien sûr, les différents intervenants ont tous leur agenda politique à défendre. Cependant, comme l'a bien dit l'homme d'État allemand Otto von Bismark, «la politique, c'est l'art du possible». C'est dans ce contexte que doit être analysé le projet de loi 103.

Le dépôt du projet de loi 103 semble susciter des réactions mixtes, mais très prévisibles. Bien sûr, les différents intervenants ont tous leur agenda politique à défendre. Cependant, comme l'a bien dit l'homme d'État allemand Otto von Bismark, «la politique, c'est l'art du possible». C'est dans ce contexte que doit être analysé le projet de loi 103.

Le PQ ainsi que les milieux nationalistes dénoncent le projet de loi 103 car, à leurs yeux, il porte atteinte à la défense de la langue française au Québec et permet à ceux qui en ont les moyens de «s'acheter le droit d'accéder à l'école anglaise subventionnée». Le PQ propose l'extension de la loi 101 visant à interdire l'école privée anglaise non subventionnée aux élèves qui ne sont pas éligibles selon la Charte québécoise. Ceci semble, à première vue, simple d'application et mettrait fin à un débat linguistique houleux.

Cependant, cette position ignore plusieurs problèmes qui ne sont peut-être pas à l'avant-scène du débat public. Lorsque le PQ a décidé d'adopter la loi 104 en 2002 il a dû se soumettre aux mêmes arguments constitutionnels et politiques que le PLQ aujourd'hui. L'extension de la loi 101 aurait été perçue comme une façon répressive de «colmater une brèche» dans les milieux fédéralistes québécois, dans le reste du Canada ainsi que sur la scène internationale (pensons aux requêtes devant l'ONU).

Sous Bernard Landry, le PQ aurait pu faire fi de ces éléments, mais il a clairement décidé autrement. Il y voyait donc certainement un chemin miné. L'extension de la loi 101 aurait engendré un tollé de recours judiciaires portant sur le droit fondamental à l'éducation privée, le droit à l'éducation des minorités sous la Charte canadienne, sans tenir compte des «dégâts politiques». Nul ne peut accuser M. Landry d'être «mou» dans ses valeurs nationalistes et sa décision était motivée par des éléments plus complexes que ceux qui définissent les arguments du PQ aujourd'hui.

La position des commissions scolaires anglophones du Québec ne tient pas compte de la complexité du jugement de la Cour suprême. Malgré une décision qui, a priori, semble favoriser le milieu scolaire anglophone, les juges du plus haut tribunal ont rendu un jugement nuancé reconnaissant qu'«un court passage dans une école de la minorité ne témoigne pas d'un engagement réel et ne peut suffire, à lui seul, à obtenir le statut d'ayant droit visé à la Charte canadienne». Ceci préparait ainsi le terrain pour le gouvernement: non aux écoles passerelles, et un an de scolarité dans un établissement privé non subventionné ne constitue pas un droit automatique selon l'article 23 de la Charte canadienne.

Le gouvernement actuel a donc dû naviguer entre des balises bien identifiées. L'option proposée par le PQ, et rejetée par ce même parti en 2002, ouvrirait un débat constitutionnel incertain qui n'intéresse personne. De plus, la Cour suprême a clairement donné ses ordres et il aurait été difficile au gouvernement de légiférer à l'encontre du plus haut tribunal du pays. Le projet de loi 103 vogue dans ces eaux troubles et doit respecter les critères du jugement de la Cour suprême en reconnaissant le parcours authentique de l'élève, mais en imposant des contraintes raisonnables ayant pour effet de fermer les écoles passerelles.

Le projet de loi 103, c'est donc l'art du possible. Impossible de s'extirper d'un jugement du plus haut tribunal, impossible de suivre le parcours miné déjà rejeté par le PQ. Le gouvernement a donc choisi la seule option raisonnable. Il reste maintenant à connaître les détails qui encadreront le parcours authentique.