Dimanche, les Belges iront voter lors d'une élection fédérale. Reflétant la polarisation sociopolitique du pays, les dynamiques politiques qui ont animé les campagnes électorales en Flandre et en Belgique francophone sont très différentes malgré le fait que les mêmes deux enjeux, l'avenir institutionnel et la santé financière du pays, aient été discutés de chaque côté de la frontière linguistique.

Dimanche, les Belges iront voter lors d'une élection fédérale. Reflétant la polarisation sociopolitique du pays, les dynamiques politiques qui ont animé les campagnes électorales en Flandre et en Belgique francophone sont très différentes malgré le fait que les mêmes deux enjeux, l'avenir institutionnel et la santé financière du pays, aient été discutés de chaque côté de la frontière linguistique.

Du côté francophone, il existe un fort degré de consensus sur les deux enjeux. Aucun des partis francophones ne veut de nouvelles réformes de l'État puisqu'elles continueraient un parcours décentralisateur que les francophones associent à la perte de leur pays. En matière de lutte au déficit, les partis francophones, avec l'exception partielle des libéraux, préconisent une approche douce et graduelle qui reflète la culture politique de gauche de la Wallonie. Les résultats électoraux en Belgique francophone offriront probablement peu de surprise étant donnée la force traditionnelle du Parti socialiste.

En Flandre, le thème du confédéralisme, très populaire chez les chrétiens-démocrates vers la fin des années 90, a refait surface à la fois chez le parti nationaliste Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) et chez les libéraux. Ce thème implique l'idée que la Belgique doit continuer son processus de décentralisation. Le leader de la N-VA, Bart de Wever, a beaucoup insisté sur le fait qu'il ne voit pas le «confédéralisme» comme une étape vers l'indépendance de la Flandre, un discours qui ne convainc pas les francophones qui croient que le but ultime du parti est la fin de la Belgique.

L'idée de confédéralisme est largement endossée par les libéraux et les chrétiens-démocrates tandis que le parti d'extrême-droite Vlaams Belang prône toujours l'indépendance.

Tous ces partis réclament une décentralisation d'au moins quelques pans de la sécurité sociale, comme par exemple les allocations familiales et la santé (ce qui favoriserait la Flandre et pénaliserait la Wallonie, plus pauvre) ainsi que la scission de l'arrondissement électoral bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui aurait pour effet que les francophones de Flandre ne pourraient pas voter pour des partis francophones.

Le paysage politique belge ne changera pas radicalement à la suite de ces élections. Le résultat de la N-VA est le principal inconnu d'importance puisqu'une bonne performance (il mène dans les intentions de vote en Flandre) lui donnerait un argument de poids pour son inclusion dans une coalition, ce qui compliquerait les négociations pour la formation d'un gouvernement étant donné la position agressive du parti sur la réforme de l'État.

Ce seront ces négociations, plutôt que les élections elles-mêmes, qui pèseront sur le futur politique et institutionnel de ce pays où des partis des deux groupes linguistique doivent s'entendre pour former un gouvernement.

Qui deviendra premier ministre de la Belgique à la suite de ces élections? Il est douteux que cette position revienne au leader de la N-VA, Bart de Wever, même si son parti devait gagner une pluralité des voix puisque les partis francophones n'accepteraient probablement pas que ce nationaliste flamand dirige le pays.

Certains en Belgique croient que la présence d'un premier ministre francophone (par exemple, le leader socialiste Elio Di Rupo) pourrait aider le pays à naviguer une autre crise politique. Il n'est pas complètement impossible que la Belgique ait dans les prochains mois un premier ministre francophone pour la première fois depuis 40 ans.

Il est par contre plus probable que ce soit un autre politicien flamand, telle la présidente du Parti chrétien-démocrate flamand Marianne Thyssen, successeur du premier ministre démissionnaire Yves Leterme, qui occupera ces fonctions dans les semaines ou les mois suivant les élections de dimanche.

* L'auteur est professeur agrégé à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa. Il est spécialiste de la politique belge. Il a publié, avec Daniel Béland, «Nationalism and Social Policy. The Politics of Territorial Solidarity» (Oxford University Press, 2008).