J'ai les cheveux noirs, le teint basané et le regard sombre. Je suis un immigré. Une «minorité visible». Un importé made in Guatemala, arrivé ici à l'âge de 5 ans. J'en ai 33, aujourd'hui. Je suis loin d'avoir l'air d'un Québécois pure laine. Si bien que les Blancs qui m'abordent dans la rue me demandent «Parlez-vous français?» avant même de requérir des indications.

J'ai les cheveux noirs, le teint basané et le regard sombre. Je suis un immigré. Une «minorité visible». Un importé made in Guatemala, arrivé ici à l'âge de 5 ans. J'en ai 33, aujourd'hui. Je suis loin d'avoir l'air d'un Québécois pure laine. Si bien que les Blancs qui m'abordent dans la rue me demandent «Parlez-vous français?» avant même de requérir des indications.

Pas un jour ne passe sans que je tombe sur des articles de journaux, des reportages télé ou des rapports sur le web relatifs aux difficultés qu'éprouvent les immigrants à s'intégrer, à se trouver un emploi et qui dénoncent la discrimination dont ils sont victimes.

Ce discours, je l'entends aussi dans la bouche de mes amis immigrants. Et j'en ai ras le bol. J'en ai ras le bol d'entendre ce discours misérabiliste qui imprègne le débat actuel sur l'intégration des immigrants au Québec. Parfois, ce discours me lève le coeur, tellement il fait une belle place aux difficultés vécues par les nouveaux arrivants. Rien n'est dit de leur réussite. Leur succès est passé sous silence.

Bref, ce discours me dégoûte parce qu'il laisse faussement croire qu'il est impossible de réussir au Québec lorsqu'on est immigré. Pire, il suggère que la société québécoise est d'une intolérance crasse. Or, la réalité est tout autre. Je le sais parce que je la vis, je la vois.

Petit, je rêvais de devenir journaliste. C'est triste à dire, mais les premiers à me décourager ont été mes proches et mes amis. Ils ont souvent tenté de me «raisonner» en me disant qu'au Québec «les journaux n'embauchent pas des personnes comme toi». Ils faisaient évidemment allusion à mes origines ethniques et à ma couleur de peau.

Et devinez quoi? Je ne l'ai jamais cru. Devinez quoi? J'ai réalisé mon rêve. En 10 ans de métier, j'ai été journaliste salarié à La Presse, au magazine d'affaires Québec Inc. et au Journal de Montréal d'avant le lock-out. Je collabore aujourd'hui au journal Les Affaires. Parallèlement, j'ai complété ma formation en droit. Je serais officiellement avocat dans six mois, après avoir terminé le stage réglementaire.

Est-ce que la couleur de ma peau a été un obstacle? Jamais. Je suis pourtant pas mal foncé, croyez-moi. Les patrons des salles de presse, les patrons des cabinets d'avocats, tous ont fait fi de mon apparence. Une seule chose les intéressait: savoir si j'étais compétent ou pas. Un point, c'est tout.

Même le soi-disant Québec profond aime les immigrés. Le premier Barack Obama, c'est en Abitibi-Témiscamingue qu'il a été élu. Il s'appelle Ulrich Chérubin. Il est né en Haïti. Depuis 2002, il est le maire d'Amos, une ville de 13 000 habitants, à majorité blanche. Michel Adrien est un autre Haïtien. Il est le maire de la ville de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides. C'est sans compter les Dany Laferrière, Boucar Diouf, Luis Oliva et les autres immigrés issus de notre star system, qui sont aimés par le Québec au grand complet.

Je ne suis pas dupe. Le racisme existe bel et bien. Tapi dans l'ombre, il me regarde. Par contre, ce racisme n'est pas systémique ni institutionnalisé au Québec. Eh oui, beaucoup d'immigrants éprouvent d'énormes difficultés à s'intégrer. Mais malgré tout, un constat s'impose : la société québécoise est foncièrement ouverte. Elle est naturellement accueillante. Ici, la mobilité sociale ne boude pas les immigrants. Telle a été mon expérience, du moins.

Voilà ce qui me fait dire que nous vivons dans le Québec des possibles.