Les quelques sondages diffusés cette année avaient pourtant préparé le terrain. Étaient donnés gagnants, aux élections belges du 13 juin, le Parti nationaliste flamand N-VA (Nieuw-Vlaams Alliantie, la Nouvelle alliance flamande) et le Parti socialiste francophone (PS); seule l'ampleur de cette double victoire n'était pas prévue.

Les quelques sondages diffusés cette année avaient pourtant préparé le terrain. Étaient donnés gagnants, aux élections belges du 13 juin, le Parti nationaliste flamand N-VA (Nieuw-Vlaams Alliantie, la Nouvelle alliance flamande) et le Parti socialiste francophone (PS); seule l'ampleur de cette double victoire n'était pas prévue.

La vraie surprise résidera dans le délai nécessaire à l'établissement d'une nouvelle coalition (la précédente avait eu besoin de sept mois). Le scénario le plus souvent évoqué est celui d'une entente entre le N-VA et le PS, à laquelle se joindraient plusieurs autres formations pour arriver à la majorité des sièges. Mathématiquement, c'est possible, mais il faudra encore rédiger un programme de gouvernement et donc se mettre d'accord sur la résolution des deux crises qui secouent le pays et fondent le succès antagonique de chacun des partis: institutionnelle pour la N-VA et économique pour le PS.

Le prochain premier ministre devrait être le président de l'un des deux partis vainqueurs. Bart De Wever (N-VA) est à la tête d'un parti qu'il a conduit à la première place (27 sièges sur 150 à la Chambre) alors qu'il ne comptait encore qu'un siège en 2003. L'opposition et le contexte institutionnel (l'impossibilité à trouver un compromis à propos du seul arrondissement électoral bilingue du pays, celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde-BHV) lui a offert l'élan nécessaire pour réaliser sa performance d'aujourd'hui.

L'autre aspirant au poste est Elio Di Rupo, pilier du Parti socialiste francophone depuis 1999 qui bénéficie des effets de la crise économique et financière, «libérale» n'a-t-il eu de cesse de répéter. Le parti se place à une longueur des nationalistes flamands. La légitimité d'Elio Di Rupo en tant que potentiel premier ministre est renforcée si l'on considère le résultat du parti-frère néerlandophone (sp.a) qui se maintient honorablement.

La bonne nouvelle (parce qu'on aime jouer à se faire peur) est que le pays n'a pas disparu et qu'il ne semble pas devoir disparaître prochainement. Bart De Wever prônait l'évaporation de la Belgique, c'est-à-dire une transition douce vers une autre structure (confédérale «à la belge» sans doute, même si cette appellation laisse les constitutionnalistes sceptiques) et le voilà maître d'un jeu qu'il ne voulait sans doute pas maîtriser à ce point.

Avant toute chose, il faut s'accorder sur une réforme de l'État qui nécessitera un large soutien (minimum deux tiers) au Parlement. Historiquement, les grands changements institutionnels n'ont jamais pu se faire sans les socialistes (francophones) et les chrétiens démocrates (flamands). Or, autant les partis s'accordent à reconnaître la nécessité d'une réforme, autant leur soutien dépendra de son contenu. Pourtant, tout continue à opposer francophones et néerlandophones: là où les uns veulent refinancer et garantir le statut de Bruxelles, les autres parlent cogestion par les deux communautés.

Sur le noeud du problème à la source de cette chute de gouvernement (BHV et la question des facilités accordées aux francophones résidant en périphérie flamande de Bruxelles), là non plus, point de compromis facile. Autant dire que tout reste à faire.

Dans l'immédiat, les cartes sont dans les mains du roi Albert II, un de ses rares pouvoirs que la N-VA avait d'ailleurs promis de raboter, mais que d'autres veulent maintenir absolument et ce n'est pas le résultat de cette élection qui les fera changer d'avis. Ce n'est jamais qu'un paradoxe de plus dans un pays où le parti qui sort vainqueur contestait d'emblée la validité du scrutin!

* L'auteure enseigne la science politique à l'Université catholique de Louvain, en Belgique.