Dans sa lettre d'opinion du lundi 5 juillet, Luc Chartrand prétend que les projets d'apaisement et de réduction de la circulation que nous entreprenons sur le Plateau sont «l'aboutissement de l'embourgeoisement du quartier».

Dans sa lettre d'opinion du lundi 5 juillet, Luc Chartrand prétend que les projets d'apaisement et de réduction de la circulation que nous entreprenons sur le Plateau sont «l'aboutissement de l'embourgeoisement du quartier».

Il a tort. Ils sont plutôt l'aboutissement de quelque chose à la fois de plus généralisé, de plus ancien et de plus dangereux: la tendance nord-américaine à utiliser l'auto pour tout déplacement - travail, école, achats - et l'incapacité de plusieurs de décrocher, malgré les impacts bien connus sur la santé des citoyens et des communautés, sans même parler de l'environnement.

Depuis 20 ans le nombre d'autos à Montréal a augmenté de 50% et les rues du Plateau - un quartier parmi les plus densément peuplés sur le continent - ont subi l'engorgement correspondant. Il y a aujourd'hui plus de 500 000 autos qui traversent notre quartier sans arrêter quotidiennement: ce qui représente 84% de toute la circulation automobile sur nos rues.

C'est certain que cela cause de la congestion et des embouteillages pour des gens comme M. Chartrand - ou, en réalité, que M. Chartrand cause de la congestion et des embouteillages pour lui-même et pour les autres - mais l'effet de cette croissance fulgurante du nombre d'autos sur l'arrondissement et sur ses résidents est bien plus néfaste que la seule perte de temps, surtout quand les automobilistes transitaires empruntent les rues locales.

Par où commencer? Les enfants heurtés par les autos en se rendant à l'école Laurier? Les problèmes respiratoires? L'abandon du Plateau (et d'autres quartiers centraux) par les jeunes familles à la recherche de paix et de sécurité? Le fait que, parmi tous les arrondissements de Montréal, le Plateau occupe honteusement la première place quant au nombre de piétons et cyclistes victimes de la circulation par km2 (30,4) et la seconde place si on compte par tranche de 100 000 habitants (232, après Ville-Marie)?

Les vrais enjeux

M. Chartrand a omis de parler de ces enjeux, les vrais enjeux. Ce n'est pas pour permettre aux gens de prendre un apéro tranquille sur leur balcon qu'on entreprend de canaliser la circulation de transit sur les artères, axes prévus à cette fin. C'est pour sécuriser les rues locales et collectrices, et les rendre plus vivables pour tout le monde, surtout les jeunes familles et les personnes âgées. C'est d'ailleurs ce qui explique que les spécialistes de la Direction de la Santé publique font l'éloge de nos projets.

Mais ce n'est pas seulement la santé de nos résidents qui nous préoccupe.

C'est aussi la santé et la vitalité du quartier en général. Un quartier sain et vivant a besoin de parcs, de commerces de proximité, de transports en commun, d'une vie de quartier et d'une mixité sociale et générationnelle. Ça, c'est de l'Urbanisme 101.

Or, c'est avec des démarches comme nos projets de circulation, nos projets de verdissement, nos projets de logement social et abordable, nos projets d'animation des espaces publics ou de marchés publics, qu'on assurera la santé et la vitalité de notre quartier.

Ce n'est pas par méchanceté ni sectarisme envers les non-résidents du Plateau que nous cherchons à éliminer autant que possible la circulation de transit sur les rues non artérielles ; c'est par respect et obligation envers nos résidents. Le droit des gens comme M. Chartrand de rouler en tout confort et fluidité avec 1200 kg de métal, plastique et caoutchouc n'est pas supérieur au droit des résidents du Plateau d'avoir une vie de quartier un tant soit peu paisible et sécuritaire.