En juin dernier, le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, Tony Clement, a décidé de rendre facultatif le questionnaire long des recensements de Statistique Canada. C'est une mauvaise décision qui est lourde de conséquences. Elle s'attaque à l'élément central de tout débat entourant les politiques publiques: les faits. À titre d'analogie, imaginez que la fusée spatiale Apollo 11 ait reçu de mauvaises données quant à sa position dans l'espace. Neil Armstrong n'aurait pu faire le premier pas sur la Lune. Il en va de même avec les données publiques, économiques et sociales qui forment le coeur de notre quotidien. Une mauvaise collecte de données sur la «position» sociale et économique du Québec et du Canadafaussera les décisions à prendre sur le plan économique et social.

En juin dernier, le ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, Tony Clement, a décidé de rendre facultatif le questionnaire long des recensements de Statistique Canada. C'est une mauvaise décision qui est lourde de conséquences. Elle s'attaque à l'élément central de tout débat entourant les politiques publiques: les faits. À titre d'analogie, imaginez que la fusée spatiale Apollo 11 ait reçu de mauvaises données quant à sa position dans l'espace. Neil Armstrong n'aurait pu faire le premier pas sur la Lune. Il en va de même avec les données publiques, économiques et sociales qui forment le coeur de notre quotidien. Une mauvaise collecte de données sur la «position» sociale et économique du Québec et du Canadafaussera les décisions à prendre sur le plan économique et social.

Depuis la décision du ministre, une personne n'est plus tenue de remplir obligatoirement le questionnaire détaillé lors des recensements. Auparavant, un cinquième de la population recevait un questionnaire plus long et devait fournir, en plus des questions usuelles, des données socio-économiques. En le rendant facultatif, seules les personnes intéressées répondront au questionnaire. En d'autres termes, le recensement long ne représentera plus la population canadienne et québécoise... mais la population intéressée à répondre aux questionnaires!

Au Québec, le taux de réponse naturel est inférieur à la moyenne canadienne (1). En conséquence, une telle décision sous-représentera le Québec dans les données du recensement long. Ce changement aura des impacts concrets pour les citoyens, car ces données influencent directement les débats et décisions pris par différents paliers de gouvernement.

Des exemples

Il n'est pas rare de débattre de l'intégration des communautés culturelles au Québec. La langue française est-elle en perte de terrain face à l'anglais dans les quartiers de Montréal? Faute de détails socio-économiques représentatifs, nous ne pourrons mesurer clairement l'évolution de la langue parlée chez les immigrants, communautés culturelles, anglais de souche et francophones de souche. Êtes-vous prêts à laisser aller ces débats sans savoir ce qui en est?

Le Québec rattrape-t-il son retard en matière de scolarisation universitaire? Où en sommes-nous par rapport au décrochage scolaire? Devrions-nous réformer notre système d'éducation? Il est impossible d'établir des comparatifs entre les provinces sans avoir de données uniformes sur la question. Le recensement long permettait d'établir des comparatifs sur le plus haut diplôme obtenu, et ce, par région. Similairement, nous pouvions même évaluer l'impact économique des universités sur le développement régional! Faire des réformes dans le milieu de l'éducation est déjà difficile. Aimeriez-vous en plus qu'elles soient faites à l'aveuglette?

Comment évoluent les inégalités sociales? Sommes-nous plus riches ou plus pauvres? La dernière baise d'impôts a-t-elle eu un impact pour la classe moyenne? Seul le questionnaire long permet de répondre à ce genre de questions avec précision. Êtes-vous prêt à laisser débattre les politiciens de ces questions sans contrepoids pour vérifier leurs dires?

Moi, je ne suis pas prêt à faire l'économie des faits.

De nombreux groupes se sont prononcés contre cette décision. La Fédération canadienne des municipalités, le Conseil canadien du développement social, l'Association canadienne des économistes d'affaires, la Banque TD, la Banque Dominion, le Centre canadien des politiques alternatives, sans compter d'anciens directeurs de Statistique Canada et de nombreux citoyens.

Les statistiques font partie de notre portrait collectif. On ne demande pas aux statistiques d'être sexy, mais on leur demande d'être justes. Peu importe vos positions quant aux politiques publiques, l'idée est d'avoir tous ensemble des débats fondés sur le réel. Pour reprendre l'analogie spatiale, il ne souhaite pas qu'on discute de la meilleure navette, nos politiques publiques, il souhaite plutôt que nous soyons perdus dans l'espace.

Comme le résumait l'économiste américain Thomas Sowell, «un engagement passionné pour la justice sociale ne dispense pas de savoir de quoi on parle». Le ministre nous empêche de savoir collectivement qui nous sommes et de savoir de quoi on parle.

M. Clement, changez votre décision.

* L'auteur est candidat au doctorat en sciences économiques et enseignant en macroéconomie à l'Université Queen's à Kingston. Il est également boursier FQRSC et travaille à La Chaire sur la fiscalité et les finances publiques de l'Université de Sherbrooke.