Au cégep, à la fin des années 70, le professeur de français était désolé, mais devait donner des dictées, et une majorité des élèves de ma classe ne savaient pas assez écrire pour pouvoir composer quelque texte que ce soit.

Au cégep, à la fin des années 70, le professeur de français était désolé, mais devait donner des dictées, et une majorité des élèves de ma classe ne savaient pas assez écrire pour pouvoir composer quelque texte que ce soit.

Dans les années 90, il m'est arrivé d'aider certains enfants de mes amis à faire leurs devoirs de français. C'était l'époque où il était de mise de souligner les petits mots de différentes couleurs: à, a, et, est... On ne devait pas trop compliquer la vie des enfants avec des termes rébarbatifs comme conjonction ou préposition. Ces enfants, qui ont dans la vingtaine aujourd'hui, font encore bien des fautes d'orthographe.

Tout ceci pour dire qu'enseigner le français est depuis longtemps une histoire complexe, et que le français écrit à la perfection a toujours été propre aux élites.

Mon fils Léon est ce qu'on appelle un enfant de la réforme. Il vient de terminer sa cinquième année de secondaire, à l'école publique. Il fait des fautes d'orthographe par nonchalance, comme tous les ados depuis toujours. Par contre, la réforme lui a donné un esprit critique et un esprit d'analyse. La méthodologie par projets lui a appris à développer une vision globale et à bien exprimer ses idées.

Il a lu, oui bien sûr, de la BD, mais aussi Zone, comme nous au même âge, Alphonse Daudet ou Agatha Christie, des «vrais» livres et des un peu moins «vrais». En fait, une belle diversité pour une belle culture hétérogène.

Ses textes de fin d'année étaient pertinents, dynamiques, très structurés. S'ils comportent encore quelques fautes, la qualité de l'argumentation dépasse de beaucoup ce que nous savions faire au même âge. S'il le veut et s'y applique, il l'apprendra, son français, comme moi et bien d'autres, toutes générations confondues, qui avons appris à écrire comme du monde sur le tard.

Nous, ses parents, n'avons jamais eu de difficulté à situer son rendement académique, qu'il nous soit signifié par des chiffres, lettres, sourires ou nuages. Et quelle que soit la matière, nous comprenions et pouvions analyser avec lui autant ses aptitudes que ses résultats.

Bien sûr, la réforme nous a aussi apporté bien des exagérations de la part de fonctionnaires désireux de trop bien faire. De là à dire que la réforme de l'éducation va gâcher la qualité du français de toute une génération, il y a un «boutte».

Les enfants de la réforme se tiennent au courant, on leur a aussi appris à être éveillés. Ils entendent ce que vous dites d'eux. Oui, oui, ils comprennent que l'école est poche, que les profs sont pourris et qu'ils sont illettrés...

S'il vous plaît, pourriez-vous leur dire que c'est quand même correct s'ils veulent aller au cégep?