Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), les inondations touchent près de la moitié du territoire pakistanais. La montée des eaux, qui affecte près de 15 millions de personnes, est la pire en 80 ans pour ce pays frontalier de l'Afghanistan, et l'une des plus dévastatrices de l'histoire de l'humanité.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), les inondations touchent près de la moitié du territoire pakistanais. La montée des eaux, qui affecte près de 15 millions de personnes, est la pire en 80 ans pour ce pays frontalier de l'Afghanistan, et l'une des plus dévastatrices de l'histoire de l'humanité.

Si, à ce jour, environ 1600 morts ont été recensés, on ne saura que plus tard le nombre exact de victimes, car la majorité des zones affectées sont encore inaccessibles. Ce nombre s'amplifie de jour en jour, par les maladies liées à l'eau comme le choléra et une recrudescence des infections transmissibles par les insectes tels que la dengue et la malaria.

Cette crise humanitaire a soulevé plusieurs questions et débats, notamment sur la réaction et la générosité du Canada et de la communauté internationale et sur l'efficacité de la réponse humanitaire. On a émis les hypothèses de la mauvaise réputation du Pakistan, critiqué la lenteur de la communauté internationale à intervenir, et même jugé l'altruisme de groupes dits «terroristes» dans l'aide aux victimes.

Si on peut s'indigner de la générosité disparate qu'a suscitée cette crise, on peut s'interroger sur l'intérêt général bien ponctuel vis-à-vis les enjeux humanitaires internationaux.

On observe une curiosité bien éphémère, souvent liée à l'intérêt que les médias porteront ou non à une crise humanitaire. Le gouvernement canadien réagit en symbiose avec cet intérêt relatif du public canadien. Qui se soucie réellement du fait que les engagements humanitaires du gouvernement canadien sont très rarement respectés? Que ce dernier n'a jamais réussi à atteindre plus de la moitié de l'objectif d'investir 0,7% de son PIB pour l'enveloppe de l'aide publique au développement? Qui se soucie que le gouvernement canadien vient de couper les vivres à plusieurs ONG canadiennes crédibles dont celles du Conseil canadien de la coopération internationale?

Ce manque d'intérêt se traduit également par une certaine méconnaissance du système humanitaire. Comme c'est toujours le cas, l'urgence et la reconstruction qui s'entament au Pakistan prendront malheureusement temps et argent et les Pakistanais, tout comme les donateurs, devront s'armer de patience. Si le pays le plus riche au monde n'a pas encore terminé la reconstruction des suites de l'ouragan Katrina, on peut comprendre que la reconstruction des infrastructures et des institutions haïtiennes ou pakistanaises prennent plusieurs années, voire des décennies.

Ce n'est pas seulement une question de financement ou de volonté politique, mais le fait d'enjeux humanitaires dont la complexité n'a d'égale que l'ampleur des crises.

Malgré l'envergure historique et le nombre de victimes affectées, la crise qui sévit au Pakistan reste peu médiatisée par rapport à d'autres crises, et conséquemment recevra moins de soutien financier. La preuve en est que le Canada, qui s'est joint à l'appel international, ne fournira initialement que 33 millions de dollars. Même s'il vient d'annoncer une augmentation de l'aide en doublant les fonds reçus aux ONG canadiennes, forcé de constater que les montants resteront limités. Particulièrement si on le compare aux crises du tsunami et d'Haïti, cette somme peut paraître dérisoire, surtout compte tenu de l'ampleur de la dévastation. C'est, malgré tout, un montant très appréciable pour le Canada par rapport à son soutien aux victimes de plusieurs autres crises actuelles d'envergure, dont celles du Kirghizstan ou de la Somalie.

Il va sans dire que l'influence politique des diasporas, la langue et les relations avec les victimes de la crise jouent un rôle indéniable sur les décisions quant à l'attribution de l'aide humanitaire, tant chez les donateurs privés que gouvernemental. Mais l'aide financière aux victimes de catastrophes naturelles et armées ne doit-elle pas être plutôt attribuée en fonction des besoins criants des populations plutôt qu'au bénéfice des pays donateurs? Tel est l'impératif humanitaire. En attendant la prochaine crise, espérons que la solidarité persiste au-delà de ces annonces et critiques.

* L'auteur est directeur de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire au CERIUM de l'Université de Montréal.