L'affaire Terry Jones, ce cinglé déterminé à brûler un Coran, est très régulièrement présentée dans les médias comme un épiphénomène, un épisode malheureux, produit d'un homme malade et fanatisé. C'est en partie la vérité, mais en partie seulement. L'affaire Jones révèle bien autre chose: depuis l'élection de Barack Obama, les États-Unis sont aux prises avec la montée d'un mouvement de haine dirigé contre le président, l'immigration et les musulmans, et dont le vecteur principal est le Parti républicain et ses alliés de droite dans les médias dits sérieux.

L'affaire Terry Jones, ce cinglé déterminé à brûler un Coran, est très régulièrement présentée dans les médias comme un épiphénomène, un épisode malheureux, produit d'un homme malade et fanatisé. C'est en partie la vérité, mais en partie seulement. L'affaire Jones révèle bien autre chose: depuis l'élection de Barack Obama, les États-Unis sont aux prises avec la montée d'un mouvement de haine dirigé contre le président, l'immigration et les musulmans, et dont le vecteur principal est le Parti républicain et ses alliés de droite dans les médias dits sérieux.

Vous croyez que j'exagère? Revoyons plutôt le film des événements des dernières années. Tout a commencé pendant la campagne électorale de 2007-2008. Devant le désastre électoral qui s'annonçait, un gang de rue, une bande de voyous s'est emparée du Parti républicain en recrutant Sarah Palin et en laissant aux plus fanatiques une place qu'ils n'auraient jamais occupée sous Ronald Reagan. Leurs critiques contre le Parti démocrate sont devenues plus acerbes, plus vicieuses, lorsque M. Obama a été choisi comme candidat démocrate à la présidentielle.

Sa victoire, massive et sans appel, ne les a pas fait taire. À l'été 2009, en plein débat sur la réforme du système de santé, le pus est sorti et la racaille s'en est donnée à coeur joie, aiguillonnée par les leaders républicains, Fox News, la page éditoriale du Wall Street Journal, Rush Limbaugh et plusieurs autres. Sans même se cacher, certains se sont présentés à l'entrée des édifices où le président parlait, un pistolet attaché à une jambe, en proclamant qu'«il faut parfois abreuver l'arbre de la liberté du sang des tyrans et des patriotes» alors que Sarah Palin demandait à ses partisans de «recharger» et qu'elle publiait une galerie de photos de politiciens marqués d'une mire afin de les «abattre» aux élections.

La rage s'est étendue aussi sur d'autres fronts. L'immigration, par exemple, est toujours un sujet sensible, même si tous reconnaissent que les immigrants sont le sang qui irrigue l'extraordinaire prospérité américaine. En juillet dernier, cela n'a pas empêché la gouverneure républicaine de l'Arizona d'appuyer son projet de loi scélérat contre l'immigration illégale en révélant, sans la moindre preuve, que la police venait de découvrir à la frontière avec le Mexique quatre corps sans tête. Elle a mis longtemps à «corriger» cette fausseté, mais le mal était fait, car cette fausseté est justement destinée à être diffusée afin de terroriser le citoyen américain et de le dresser contre les immigrants.

Si le combat politique a parfois toutes les caractéristiques de la guerre et de sa montée aux extrêmes, il ne devrait pas en être ainsi pour ceux dont le métier est de réfléchir aux questions les plus sensibles. Pourtant, sur l'islam il semble maintenant que tout soit permis, même dans les médias les plus respectables. Il y a quelques jours, sur le blogue du rédacteur en chef du célèbre hebdomadaire The New Republic, le pus est sorti à nouveau. Martin Peretz écrit à propos des musulmans américains: «Je me demande si je suis tenu d'honorer ces gens et de faire semblant qu'ils méritent les privilèges du Premier Amendement, car tout mon être me dit qu'ils finiront par abuser de ces privilèges.» On imagine le tollé si cela avait été dit à propos des juifs ou des noirs. Sur les musulmans, cela passe comme une lettre à la poste.

La droite américaine est devenue un mouvement de fêlés et d'extrémistes, et Terry Jones évolue dans cette atmosphère délétère. Même Marine Le Pen le croit. Eh oui, la fille de Jean-Marie Le Pen, future présidente du Front national, déclarait récemment au magazine Time que «la droite américaine est beaucoup plus à droite que le Front national». C'est dire.

Pauvre M. Obama, ses services de sécurité doivent absolument redoubler de vigilance, car un jour, un fêlé conditionné par cette droite se sentira le devoir d'«abreuver l'arbre de la liberté du sang des tyrans».