Les Québécois achètent actuellement leurs médicaments par l'entremise d'un système hybride de couvertures assurantielles publiques et privées. Ce système est tout à fait dysfonctionnel. Si le régime québécois d'assurance-médicaments obligatoire assure un meilleur accès aux médicaments, ce régime est complètement inefficace pour contenir les coûts.

Les Québécois achètent actuellement leurs médicaments par l'entremise d'un système hybride de couvertures assurantielles publiques et privées. Ce système est tout à fait dysfonctionnel. Si le régime québécois d'assurance-médicaments obligatoire assure un meilleur accès aux médicaments, ce régime est complètement inefficace pour contenir les coûts.

Le Canada est le second pays le plus cher au monde quant aux prix de détail de ses médicaments prescrits, et c'est le pays pour lequel les coûts annuels augmentent le plus rapidement, soit environ 10,5% par année depuis 1985. Mais le Québec fait pire puisqu'il accepte systématiquement d'accroître artificiellement les prix de ses médicaments afin de créer un environnement d'affaires favorable à l'industrie. Le Canada paie ses médicaments 30% plus chers que la moyenne des pays de l'OCDE, alors que le Québec paie 8% plus chers que la moyenne canadienne. Les dépenses en médicaments prescrits constituent le poste ayant le plus contribué à l'augmentation des dépenses en santé au Québec. À eux seuls, ils sont responsables de 22,2% de l'ensemble de la hausse des dépenses de santé depuis 1985.

Le Québec fait bien piètre figure devant les pays qui ont implanté des régimes universels d'assurance-médicaments, comme la France, le Royaume-Uni, la Suède, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Le prix de détail des médicaments dans ces pays est de 24% à 48% moins chers à ceux du Québec et leur croissance annuelle des coûts est de deux à trois fois inférieures à celle du Québec.

La principale raison pour quoi le système coûte si cher est la grande place que le Canada et le Québec accordent aux assureurs privés, beaucoup plus chers et inefficaces. Les frais administratifs y sont beaucoup plus élevés que pour les régimes publics (8% des dépenses plutôt que 2%). Les compagnies d'assurance sont normalement payées en pourcentage des dépenses, donc elles n'ont aucun incitatif à réduire les coûts, au contraire. Par exemple, les assureurs privés acceptent volontiers de rembourser n'importe quel nouveau médicament, même si ces médicaments sont souvent plus chers et moins efficaces que les médicaments existants.

Un régime public de bonne taille peut se permettre de pratiquer une analyse pharmaco-économique des nouveaux médicaments afin de vérifier qu'il vaut son prix. Puisque la plupart des nouveaux médicaments, dispendieux par définition, sont des extensions de série des médicaments existants (me-too drugs), ils démontrent rarement un avantage thérapeutique sur les médicaments déjà existants et moins chers. Selon la revue médicale indépendante Prescrire, parmi les 104 nouveaux médicaments introduits sur le marché en 2009, seulement trois pouvaient être considérés comme une avancée thérapeutique, mais mineure. 95 nouveaux médicaments ne contribuaient en rien à l'amélioration des soins et, parmi eux, 19 médicaments étaient considérés trop dangereux par rapport à leurs bénéfices et n'auraient simplement pas dû être mis en marché. Ne pas discriminer parmi les nouveaux médicaments n'est pas une façon d'offrir plus de choix au patient, c'est plutôt une façon de lui faire payer davantage pour moins de résultats.

Les choix thérapeutiques (habitudes de prescription) sont souvent le résultat des campagnes promotionnelles des firmes pharmaceutiques et non pas le reflet des preuves cliniques. Il a été démontré que les firmes pharmaceutiques pouvaient dépenser jusqu'en moyenne 61 000$ par médecin pour influencer ses habitudes de prescription.

La Colombie-Britannique est à bien des égards un modèle puisque, avec son Therapeutics Initiative, elle a su instiller parmi les médecins une véritable culture de la médecine fondée sur les preuves. Non seulement la Colombie-Britannique bénéficie maintenant des meilleurs résultats en santé, mais ses meilleurs choix thérapeutiques font en sorte qu'elle paie en moyenne 9,1% de moins par personne que le Québec pour ses médicaments.

Simplement en éliminant le gaspillage lié à l'assurance privée et par l'amélioration des choix thérapeutiques, un régime public universel permettrait aux Canadiens d'économiser 2,9 milliards (environ 12% du total). À lui seul, le Québec économiserait près de 1 milliard de dollars (soit 14% de ses dépenses).

De plus, si on révise de manière plus rationnelle les politiques industrielles qui accroissent artificiellement le prix des médicaments afin de supporter le secteur pharmaceutique, le Canada pourrait épargner 10,7 milliards (43% du total). À lui seul, le Québec économiserait plus de 3 milliards, soit plus de 45% de ses dépenses.

Les chiffres sont clairs, le principal obstacle à un régime public universel d'assurance-médicaments n'est pas le coût économique, mais simplement le manque de volonté politique face à des lobbys bien organisés.