Il y a quelques jours, les médias rapportaient qu'un rapport préparé en janvier par le ministère fédéral de l'Immigration prévoyait que les circonstances étaient propices pour inciter davantage d'immigrants tamouls à se rendre au Canada par bateau. De plus, il y a quelques semaines, que des Tamouls sri-lankais à Bangkok en Thaïlande, sous couvert de tourisme, y seraient en fait en transit dans l'attente d'un navire vers le Canada. L'idée souvent exprimée qu'il faut empêcher ces navires de parvenir jusqu'aux côtes canadiennes ne tient pas compte de la situation et des droits des individus en cause.

Il y a quelques jours, les médias rapportaient qu'un rapport préparé en janvier par le ministère fédéral de l'Immigration prévoyait que les circonstances étaient propices pour inciter davantage d'immigrants tamouls à se rendre au Canada par bateau. De plus, il y a quelques semaines, que des Tamouls sri-lankais à Bangkok en Thaïlande, sous couvert de tourisme, y seraient en fait en transit dans l'attente d'un navire vers le Canada. L'idée souvent exprimée qu'il faut empêcher ces navires de parvenir jusqu'aux côtes canadiennes ne tient pas compte de la situation et des droits des individus en cause.

Les États détiennent certes le pouvoir de décider qui peut entrer et résider sur leur territoire, mais les migrants jouissent néanmoins de droits, dont le respect, la protection et la promotion sont encore mal assurés partout dans le monde. Ainsi, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, l'étranger au Canada possède les mêmes droits et libertés que le citoyen, sauf le droit d'entrer et de rester au pays et le droit de vote et d'être élu. N'oublions jamais que la migration est toujours une trajectoire individuelle: bien que la migration soit souvent décrite en termes collectifs («vagues», «mouvements», «flux»), ne perdons pas de vue l'individu, sa voix, ses espoirs, ses peurs, son autonomie, sa liberté et ses droits.

Depuis un siècle, les migrants représentent autour de 3% de la population mondiale, et leur nombre a fortement augmenté pour atteindre plus de 210 millions aujourd'hui. De plus, du fait de la démocratisation des technologies de communication et de transport, le nombre des demandeurs d'asile et des migrants irréguliers a beaucoup augmenté.

Les États ont réagi en adoptant un fort discours antiréfugiés, ainsi que des mesures préventives et dissuasives de l'immigration irrégulière. Les mesures dissuasives visent à décourager les migrants irréguliers d'entrer au pays en augmentant les coûts et en diminuant les bénéfices de la migration, par exemple en limitant l'accès au marché du travail ou aux avantages sociaux, ou en détenant fréquemment et pour longtemps.

Les mesures préventives, par l'interception des migrants irréguliers avant leur arrivée à «nos» frontières, visent à éviter la possible intervention d'ONG, d'avocats, de politiciens ou de journalistes, qui compliquent toujours les opérations de renvoi en permettant aux migrants d'exercer des recours. Ainsi, les transporteurs qui laissent débarquer des étrangers n'ayant pas les documents appropriés sont sanctionnés: ils exercent dès lors un contrôle à l'embarquement, souvent délégué à des entreprises de sécurité, ce qui implique une privatisation partielle des contrôles migratoires. Les États utilisent également des mécanismes d'interception des clandestins à l'étranger: le Canada a ainsi déployé des «agents d'intégrité des mouvements migratoires». Les États échangent aussi des données en matière de renseignement de sécurité d'immigration et négocient des coopérations techniques sur le terrain.

Ces mesures de prévention des mouvements migratoires irréguliers s'accompagnent d'un nouveau discours public sur les migrants. On aborde désormais les migrations irrégulières comme une forme de «criminalité internationale», qui justifierait toutes les mesures répressives, même en violation des droits des migrants. D'une part, on distingue de moins en moins les migrants des réfugiés, alors que ces derniers peuvent avoir droit à une protection spécifique en droit international. D'autre part, on entretient des confusions, décrivant alternativement ces migrants comme de pauvres victimes de trafiquants ou comme de potentiels terroristes: dans les deux cas, il faut les renvoyer chez eux, pour leur bien ou pour notre bien. Leur réalité est beaucoup plus complexe et leur voix est rarement écoutée.

Les passeurs démonisés

On démonise beaucoup les passeurs («smugglers»): or l'utilisation de réseaux de passeurs constitue souvent le dernier recours lorsque toutes les autres voies vers la sécurité sont fermées. Historiquement, de nombreuses vies furent sauvées par des passeurs: juifs allemands, républicains espagnols, Indochinois, résistants de toutes les dictatures (revoyons le film Casablanca). L'immense majorité des migrants irréguliers ne posent aucun risque sécuritaire (les terroristes du 11 septembre 2001 n'étaient pas des migrants irréguliers). Comme pour la prohibition en son temps, les mesures répressives de l'immigration créent un marché clandestin qui durera tant que les besoins d'émigration et d'immigration existeront.

Le discours public négatif et les mesures répressives ne modifient pas en profondeur les causes des mouvements migratoires, soit les conflits et les violations massives des droits de la personne, d'une part, et les graves déséquilibres économiques malgré 50 ans de politiques de développement international, d'autre part. Leur efficacité est donc limitée au très court terme, le temps que les individus s'adaptent.

Ces contrôles sont en particulier inefficaces puisqu'ils ne s'attaquent pas à une cause fondamentale de cette migration, soit les besoins non reconnus de main-d'oeuvre bon marché des pays du Nord. L'exploitation de travailleurs migrants clandestins ou à statut précaire dans certains secteurs (agriculture, construction, restauration, etc.) accroît la compétitivité des économies du Nord. Les «employeurs illégaux» constituent un facteur d'attraction essentiel qui est systématiquement évacué du discours public sur les migrations irrégulières. Les migrants sont toujours présentés comme venant bénéficier de «nos» avantages, mais «nous» sommes responsables du phénomène, parce que nous en tirons clairement profit, et cela est rarement mentionné.

La répression des migrations irrégulières est inefficace et inéquitable, si elle n'est pas accompagnée d'une politique de développement internationale et d'une politique étrangère forte en matière de droits de la personne et d'État de droit, ainsi que d'une ferme protection des droits des migrants. Tant que les différentiels de prospérité et de stabilité entre Nord et Sud ne se réduiront pas, nous ne pourrons espérer une réduction des migrations irrégulières: «nous» chercherions aussi à émigrer si «nous» étions à «leur» place.