À Montréal, les 10 dernières années se sont traduites en hausse constante des loyers qui ont dépassé largement les taux d'inflation et les augmentations de salaire consenties durant la même période.

À Montréal, les 10 dernières années se sont traduites en hausse constante des loyers qui ont dépassé largement les taux d'inflation et les augmentations de salaire consenties durant la même période.

Il devient donc de plus en plus difficile de se loger. Puis, lorsque l'on finit par trouver un logement, l'on doit se résigner à y consacrer une part de plus en plus importante de son revenu.

En général, on s'entend pour dire qu'un logement devient abordable lorsqu'on y consacre moins de 30% de son revenu. Or selon ce calcul et sur la base du recensement de 2006, le Conference Board estime que 73,6% des ménages de Montréal n'ont pas accès à un logement abordable.

Pour certains, le manque de logements abordables s'expliquerait par le retrait des gouvernements dans l'investissement et le développement d'offre de logements sociaux (HLM, coopératives d'habitation) en faveur de programmes d'aides aux personnes à faible revenu qui bénéficieraient aux propriétaires en leur permettant de hausser le prix des loyers.

Pour d'autres, cette pénurie serait due à la transformation de logements locatifs en condominiums et à une croissance accentuée de l'offre de maisons à propriété individuelle au détriment du parc de logements locatifs.

Peu importe les explications d'ordre politique ou économique, il est de plus en plus difficile de trouver un logement abordable à Montréal. Et l'on sait que le logement, en plus d'être une source de confort et de sécurité, est l'un des déterminants du statut social des individus. On reconnaît aussi que l'inclusion et la mixité sociale et économique des individus sont des vecteurs qui contribuent à l'épanouissement d'une société.

Je suis membre d'une coopérative d'habitation. J'ai donc la chance d'habiter un logement abordable. Je participe aux décisions concernant la gestion et l'entretien de mon logement. Je partage une vision du développement durable en matière d'habitation. J'échange avec mes voisins, je partage différents points de vues à l'intérieur d'une structure qui se veut à la fois singulière par sa forme et plurielle par la composition de ses membres.

Singulière par sa forme, puisque la coopérative d'habitation, contrairement aux autres formes de propriété, ne s'appuie pas sur la recherche individuelle d'une plus-value immobilière. L'acquisition d'un immeuble par une coopérative ne se fait pas dans un but de revente, mais vise à offrir à ses membres actuels et futurs une «solution durable» au problème du logement. Cette absence de spéculation au niveau de la propriété est, selon moi, une condition qui permet le maintien de logements à un prix abordable.

Par sa mixité sociale et économique, la coopérative est aussi plurielle. Elle permet la participation, l'ouverture d'esprit, l'échange dans un cadre démocratique où l'importance de l'individu dans la décision collective n'est pas mesurée au mètre carré de l'espace qui lui appartient; c'est le principe d'un membre, un vote.

Alors pourquoi n'y a-t-il pas plus de coopératives d'habitation à Montréal et dans l'ensemble du Québec?

Parce que la mise en place de coopératives d'habitation doit se faire dans un cadre d'affaires qui ne lui est pas propice. Il existe des barrières en matière de législation et de financement qui freinent l'implantation et le développement des coopératives d'habitation.

Pourquoi la période d'amortissement d'un prêt consenti à une coopérative d'habitation devrait-elle se limiter à une période de 25 ou 30 ans alors que le but visé est la pérennité et non la revente?

Dans un contexte où le prix des logements des coopératives d'habitation est et restera inférieur à la valeur marchande (qui lui obéit à une logique du profit), les garanties de prêts et les montants accordés sur la base des baux signés par les locataires de la coopérative sont des conditions qui défavorisent les coopératives.

La mise de fonds nécessaire pour l'obtention d'un prêt lors de l'acquisition d'un immeuble est aussi un frein au développement des coopératives d'habitation. L'accessibilité à un logement abordable ne doit pas passer par «un ticket modérateur» qui prendrait la forme d'une part sociale qui représenterait 5, 10 ou 15% du prix du logement.

Par conséquent, le développement des coopératives d'habitation commande une modification du modèle économique en matière d'habitation. Il faut penser autrement, il faut innover.

Dans cette perspective, les gouvernements doivent non seulement investir dans le développement de logements sociaux et dans des programmes d'accessibilité aux logements pour les moins nanties, mais ils doivent aussi mettre de l'avant des conditions législatives, juridiques et socio-économiques pour le développement des coopératives d'habitation.

De leur côté, les institutions financières doivent aussi ajuster leurs modèles d'affaires lorsqu'elles transigent avec les coopératives d'habitation. Elles doivent faire preuve d'imagination. La multiplication des produits financiers qui sont apparus lors des dernières années nous démontre qu'elles sont capables d'innovation lorsqu'il en va de leurs intérêts. Souhaitons que l'intérêt collectif soit aussi l'une de leurs préoccupations.

L'accès à un logement abordable à Montréal: une utopie? Non, permettre aux gens d'avoir un toit sur leur tête où il fait bon vivre ne relève pas de l'utopie, mais d'une volonté commune d'améliorer les choses! De briser les paradigmes. De rêver!