Si vous fréquentez au moins à l'occasion un hôpital universitaire, vous vous êtes certainement déjà retrouvé face à une jeune femme ou un jeune homme, parfois en apparence à peine sorti de l'adolescence, habillé « en docteur » et qui rapidement après s'être présenté comme étudiant en médecine (ou « externe » ou encore « résident »), vous questionne sur la raison de votre visite à l'hôpital, sur votre santé en général, puis procède à votre examen physique.

Si vous fréquentez au moins à l'occasion un hôpital universitaire, vous vous êtes certainement déjà retrouvé face à une jeune femme ou un jeune homme, parfois en apparence à peine sorti de l'adolescence, habillé « en docteur » et qui rapidement après s'être présenté comme étudiant en médecine (ou « externe » ou encore « résident »), vous questionne sur la raison de votre visite à l'hôpital, sur votre santé en général, puis procède à votre examen physique.

J'ai eu l'occasion d'observer la réaction de mes patients face à ces étudiants en médecine, et nous accordons, en tant que professeurs, une grande importance aux remarques souvent émises en fin d'entrevue. Elles sont souvent élogieuses (« vous avez une bonne assistante », « elle est très gentille », « ça va faire un bon docteur ! ») et je ne manque jamais d'observer le sourire radieux de l'étudiant à la suite d'un tel commentaire. Pour ces étudiants, autant que pour nous médecins, l'impression d'avoir fait du bien, ou du moins d'avoir bien fait, est une source essentielle de motivation.

Mais outre ces impressions du moment, que savez-vous vraiment des étudiants en médecine ? Certes, ils sont privilégiés. Qui d'autre aura un emploi garanti à la fin de ses études, un revenu significativement plus élevé que la moyenne, ainsi que les multiples autres avantages accordés aux membres de notre profession ?

Pourtant, une publication récente (15 septembre 2010) du prestigieux Journal of the American Medical Association (JAMA) nous rappelle un aspect plutôt tragique, rapporté depuis bien des années, mais jusqu'à récemment rarement discuté : dans un recensement auprès d'étudiants en médecine de l'Université de Michigan, le taux de dépression modérée ou majeure s'est avéré être de 14 % (soit un sur sept !). Chez les étudiantes, qui constituent aujourd'hui la majorité des cohortes étudiantes, le taux était encore plus élevé, soit 18 % (presque une sur cinq !). Le taux d'idées suicidaires chez les étudiants de troisième et quatrième année était de 8 %.

Un article de 2008 paru dans le Annals of Internal Medicine rapportait un taux de 50 % d'épuisement professionnel (burn-out) chez les étudiants en médecine, et un taux de 10 % d'idées suicidaires. Une fois diplômés et en pratique, ces futurs médecins garderont une incidence de dépression et de suicide significativement plus élevée que la population générale : un homme médecin a 40 % plus de risque de se suicider qu'un homme d'âge semblable. Pour nos collègues femmes, le risque de suicide est de 130 % plus élevé !

Dès le processus d'admission dans les facultés de médecine, nous sélectionnons des personnes performantes, perfectionnistes, habituées à réussir et presque toujours arriver en tête de peloton. Ces mêmes qualités qui leur permettront d'affronter les études lourdes et exigeantes de la médecine seront en fait leur talon d'Achille. Il est difficile pour ces personnes d'accepter un échec, une erreur, ou de devoir faire face à un point d'ignorance.

À ceci s'ajoute la confrontation d'émotions difficiles, telles que de faire face à la douleur, la maladie, la mort, ainsi que les horaires très exigeants. De plus, ils sont soumis à des évaluations constantes par les confrères, les résidents et les professeurs.

Finalement, la culture médicale a trop longtemps limité les expressions de malaises ou d'émotions de la part des médecins. Ente confrères chirurgiens, nous discutons régulièrement de nos complications et des mortalités des patients de nos services, mais ces réunions se déroulent sans aucune place pour les sentiments qui accompagnent ces tragédies, et aucune minute n'est dévouée à l'expression de la tristesse qui peut habiter le médecin qui a perdu son patient. Nous sommes généralement habiles à enseigner la compassion et l'empathie pour les patients, mais nous ne donnons pas un modèle à nos jeunes confrères de compassion entre nous.

Les facultés de médecine et les associations médicales reconnaissent de plus en plus l'importance d'enseigner formellement la « santé des médecins », incluant l'importance de s'occuper de sa santé, d'apprendre à gérer le stress d'une façon positive, de faire place à nos émotions et d'être à l'écoute de nos confrères.

Pour votre part, en quittant la cabine de consultation, n'hésitez pas à demander à votre tour à l'étudiant ou étudiante : « Et maintenant vous, dites-moi, comment allez-vous ? »

*L'auteur est également directeur du Bureau d'aide aux étudiants et résidents de la faculté de médecine de l'Université de Montréal.