Les libéraux fédéraux disent vouloir jouer la carte des valeurs pour reconquérir le soutien d'une partie de l'électorat québécois. Or, cette stratégie n'aide en rien la cause du Parti libéral du Canada au Québec. Un filet de sécurité sociale plus robuste, une politique étrangère plus autonome des États-Unis, un meilleur équilibre entre économie et environnement, ce n'est pas au Québec que ces valeurs posent problème, mais dans l'Ouest canadien.

Les libéraux fédéraux disent vouloir jouer la carte des valeurs pour reconquérir le soutien d'une partie de l'électorat québécois. Or, cette stratégie n'aide en rien la cause du Parti libéral du Canada au Québec. Un filet de sécurité sociale plus robuste, une politique étrangère plus autonome des États-Unis, un meilleur équilibre entre économie et environnement, ce n'est pas au Québec que ces valeurs posent problème, mais dans l'Ouest canadien.

Au XXIe siècle, le véritable clivage politique au Canada se situe moins entre le Québec et le «rest of Canada» mais de plus en plus entre le «vieux Canada», celui des provinces fondatrices, et le «nouveau Canada», celui des provinces de l'Ouest, où le pouvoir économique se déplace pour suivre la voie d'accès vers l'Asie.

Le Bloc québécois monopolise déjà la représentation des valeurs du Québec à l'endroit des politiques du gouvernement canadien. La confiance populaire est aussi largement plus favorable au Bloc qu'au PLC, encore affaibli par le scandale des commandites. Le Bloc n'exerce pas le pouvoir. Il n'aura jamais à «se salir les mains». Ceci lui confère une image d'intégrité plus forte. Sur le terrain des valeurs, le Bloc représente notre «bonne conscience» collective à Ottawa, comme le NPD pour les progressistes dans le reste du Canada.

L'existence du Bloc n'a rien d'un phénomène passager. Les gouvernements minoritaires à Ottawa ne sont plus un accident de parcours. L'une des causes de ce phénomène est la durabilité du Bloc en tant que principal représentant de la voix québécoise dans les institutions fédérales.

Le Bloc est l'enfant de la défaite de l'accord du lac Meech. Il représente la «société distincte» par d'autres moyens. Bien plus que le soutien à l'indépendance, c'est de là qu'il tire toute sa force et sa légitimité au Québec. Ce qui n'a pu être accompli par la voie constitutionnelle, trop rigide et remplie de points de blocage, l'a été à travers le système de partis, plus flexible et davantage collé à l'opinion publique.

Le PLC a longtemps été le véhicule par lequel les Québécois ont fait entendre leurs voix en politique fédérale. Mais ce système de représentation a implosé et depuis, il n'y a plus de point d'équilibre en politique fédérale canadienne, d'où sa volatilité et son imprévisibilité actuelles.

De nos jours, la participation politique des Québécois dans la gouvernance fédérale ne se fait plus comme avant, à l'intérieur d'un parti dit «national» qui impose à ses élus une discipline forte pour atténuer les dissensions régionales à l'intérieur de ses rangs. Cette participation est davantage susceptible de se faire par le biais des coalitions entre partis, d'ententes qui ne sont plus négociées derrière des portes closes mais au grand jour, en public, au parlement. C'est une façon plus complexe de gouverner, mais c'est aussi une façon d'inclure le Québec dans le Canada.

Sur plusieurs enjeux, le Bloc est souvent plus «pro-canadien» que les conservateurs, eux dont les valeurs sont plus proches de la droite américaine. Diaboliser le Bloc, comme le fait le gouvernement Harper lorsqu'il veut discréditer l'idée d'une coalition appuyée par les «séparatistes» est irresponsable d'un point de vue démocratique. Les bloquistes et leurs électeurs ne sont pas moins légitimes que les autres partis.

En 2008, les Québécois étaient très fortement en faveur d'un gouvernement de coalition soutenu par le Bloc. Faire du Bloc un partenaire dans la gouvernance, c'est faire en sorte que les Québécois soient encore inclus dans le Canada. À plus long terme, c'est aussi, peut-être, jeter les bases d'un type de fédéralisme nouveau, qui se joue davantage au parlement par le biais de partis de plus en plus régionaux qui négocient entre eux les compromis nécessaires à la décision politique.