Il y a 40 ans, le 10 octobre, on a enlevé mon père. Il y a 40 ans, le 17 octobre, on m'a enlevé mon père.

Il y a 40 ans, le 10 octobre, on a enlevé mon père. Il y a 40 ans, le 17 octobre, on m'a enlevé mon père.

Pour moi, la crise d'Octobre est bien plus qu'un événement historique dont on parle dans les médias tous les 10 ans. Octobre 1970 évoque avant tout la perte tragique de mon père, une personne que j'aimais et que j'admirais. Octobre 1970 a complètement fait basculer ma vie, l'a marquée à tout jamais et les rappels historiques continuent de hanter la vie de mes proches.

Pour la majorité des Québécois, Pierre Laporte est le ministre qui a été tué en octobre 1970. Ce nom évoque peut-être aussi un pont, une école, une autoroute... Pour ma famille et pour moi, c'est tellement plus. Pierre Laporte était un père, un mari, un oncle, un frère. Il était le pilier de la famille Laporte. C'était aussi un homme très présent dans sa communauté, chaleureux et authentique.

J'aimerais aujourd'hui parler de mon père puisque la crise historique a eu pour effet d'éclipser sa contribution à notre société.

Pierre Laporte a été journaliste au journal Le Devoir pendant 16 ans. Son travail a contribué à la défaite de l'Union nationale et à la naissance de la Révolution tranquille. Ardent opposant au chef de l'Union nationale, Maurice Duplessis, il est celui qui a dévoilé le scandale du gaz naturel et les moeurs électorales douteuses de ce gouvernement.

Passé du journalisme à la politique, il a été élu à quatre reprises député du comté de Chambly, en 1961, 1962, 1966 et 1970. Au sein du gouvernement de Jean Lesage, il a été un membre important de l'équipe de la Révolution tranquille. Il a été successivement nommé ministre des Affaires municipales et des Affaires culturelles.

Après la défaite du Parti libéral en 1966, il tient le fort en Chambre comme leader de l'opposition officielle. En 1970, il participe à la course au leadership du Parti libéral, qui choisit Robert Bourassa. Il se rallie sans hésitation au nouveau chef. À la suite de la victoire du PLQ en avril, il devient leader parlementaire et hérite du ministère du Travail, auquel s'ajoutera l'Immigration, ainsi que le titre de vice-premier ministre.

Mon père était probablement le plus nationaliste des membres du cabinet Bourassa. Il était reconnu comme un parlementaire redoutable, mais il était aussi très apprécié de ses collègues, tant de son propre parti que des autres.

Et ensuite, ce fut la crise d'Octobre...

La province de Québec a perdu un grand politicien qui aimait le Québec de tout son coeur, qui chérissait la langue française, qui aimait l'action et la vie. Un homme qui a donné des années de sa vie à sa province, qui a lutté contre les injustices sociales dans le respect de la démocratie et qui a travaillé avec acharnement à l'avancement de nombreuses causes.

La crise d'Octobre a fait vivre à plusieurs citoyens des arrestations inutiles et parfois abusives. Leurs familles en ont souffert. Tous les citoyens touchés par ces arrestations ont pu retrouver leur famille, leur chez-soi. Mais pas Pierre Laporte.

Quarante ans après la crise d'Octobre, n'est-il pas le temps de se rappeler aussi Pierre Laporte, le journaliste et l'homme politique, et de reconnaître son apport à sa province et son pays? Il est temps de redonner à Pierre Laporte la place qu'il mérite dans l'histoire au-delà de sa fin tragique, et cela, peu importe nos allégeances politiques. En agissant ainsi, nous disons oui à la démocratie, oui à nos libertés et non à la violence.

C'est ce que je souhaite pour mon père, pour ma famille et pour tous ceux qui ne veulent plus vivre d'autres octobre 70.