Les médias ne visent pas la bonne cible pour expliquer le meurtre de Marie Altagracia Dorval, tuée par son conjoint le 17 octobre. Oui, il semble y avoir eu une faille dans le suivi de la plainte que Mme Dorval avait logée auprès de la SPVM concernant la violence de son conjoint à son endroit. Malheureusement, une réponse plus rapide n'aurait pas permis d'éviter ce meurtre.

Les médias ne visent pas la bonne cible pour expliquer le meurtre de Marie Altagracia Dorval, tuée par son conjoint le 17 octobre. Oui, il semble y avoir eu une faille dans le suivi de la plainte que Mme Dorval avait logée auprès de la SPVM concernant la violence de son conjoint à son endroit. Malheureusement, une réponse plus rapide n'aurait pas permis d'éviter ce meurtre.

Si la plainte avait suivi son cours, le conjoint aurait probablement passé une nuit en prison et aurait été relâché le lendemain avec une ordonnance de ne pas s'approcher à moins de 100 mètres de la victime. Personne n'aurait pu l'empêcher de briser cette condition et il l'aurait tuée de toute façon. Mme Dorval aurait pu se réfugier dans un centre d'hébergement, recluse dans une petite chambre en attendant le procès. Mais pendant combien de temps? Deux ans, trois ans... toute sa vie étant donné l'issue probable du procès, si procès il y avait eu?

Parlons de la vraie vie. Dans ma famille proche, un ex-conjoint a fait face à 13 chefs d'accusation liés à de la violence conjugale (méfaits, voies de fait armées, multiples bris de condition de remise en liberté, multiples entraves à la justice, fabrication et utilisation de faux documents). Il n'a pas respecté l'ordonnance du 100 mètres, mais n'a pas tué son ex-conjointe. Après deux ans de procédures judiciaires infernales, alors que Monsieur a multiplié les bris de condition et les entraves à la justice, il a été trouvé coupable. Il vient d'obtenir l'absolution inconditionnelle. Même pas une petite amende pour avoir saccagé les biens de son ex-conjointe. Rien non plus pour les voies de fait armées et tout le reste.

Il est blanc comme neige, et la victime reste toujours victime, car elle doit continuer de se cacher... surtout que la vengeance de Monsieur est exacerbée par la plainte de Madame.

Ce dénouement est extrêmement courant, et même la norme, selon plusieurs intervenants dans le milieu. Pas étonnant que les habituées des Centres d'hébergement pour femmes battues suggèrent aux nouvelles victimes de ne pas porter plainte à la police, car seule la victime sera perdante en fin de compte.

Les policiers font bien leur travail, les enquêteurs aussi, mais la sentence, elle, relève de la décision d'une personne, le juge. Dans les causes de violence conjugale, sauf s'il y a eu meurtre, c'est une décision subjective, influencée donc par le système de valeurs du juge. Les femmes juges sont à peu près absentes des cours criminelles et pénales au Québec, ce qui prive notre système d'un regard probablement différent.

Nos deniers ont servi à financer une commission (Bastarache) sur l'allégeance politique des juges, qui a fait grand bruit, mais qui cache l'essentiel: le système de valeurs des juges.

Actuellement, au Québec, les juges envoient le message suivant aux conjoints violents: ce n'est pas grave, oublions cela. L'agresseur, conforté dans son comportement, obtient ainsi le feu vert pour continuer, se venger. Comment ne pas conclure que les conjoints violents sont encouragés par un système de justice qui ne sanctionne pas ces gestes?

Les procureurs de la Couronne, les criminologues, les travailleurs sociaux du milieu de la justice, les directions de centres d'hébergement pour femmes battues connaissent cette situation, et sont tous désabusés par notre système de justice. Occupés qu'ils soient à intervenir, ils gardent le silence sur cet état de fait...

Si notre système de justice (plus spécifiquement les juges) n'a pas le courage d'envoyer un message clair à l'effet que la violence conjugale n'est pas tolérée au Québec, alors de grâce, ne dites pas aux victimes qu'il faut se plaindre: dans l'état actuel des choses, vous la mettez encore plus en danger. Que les victimes se taisent et endurent, c'est l'option la moins dommageable pour elles au Québec.