Récemment, un groupe d'étudiants de l'Université McGill a passé un mauvais quart d'heure pendant un séjour au Panama. Comme plusieurs étudiants qui voyagent à l'étranger, ils ont présumé que la feuille d'érable sur leurs sacs à dos veillerait sur eux. Imaginez leur mauvaise surprise quand ils ont rencontré la colère d'une communauté autochtone locale et l'image de la tête de mort affichée sur le drapeau canadien. L'explication? La présence d'une société minière canadienne.

Récemment, un groupe d'étudiants de l'Université McGill a passé un mauvais quart d'heure pendant un séjour au Panama. Comme plusieurs étudiants qui voyagent à l'étranger, ils ont présumé que la feuille d'érable sur leurs sacs à dos veillerait sur eux. Imaginez leur mauvaise surprise quand ils ont rencontré la colère d'une communauté autochtone locale et l'image de la tête de mort affichée sur le drapeau canadien. L'explication? La présence d'une société minière canadienne.

Le Canada est sans contredit la capitale mondiale de l'industrie minière. En 2008, plus de 75% des entreprises d'exploration et d'exploitation minière avaient leur siège social au Canada, avec des propriétés dans plus de 100 pays. Cela génère la richesse pour notre pays et pour les pays hôtes. Mais quelques minières canadiennes sont en train de ternir notre réputation avec des pratiques qui endommagent l'environnement et enfreignent les droits de la personne.

Un rapport préparé en 2009 pour l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (PDAC), récemment dévoilé, arrive à la conclusion que le bilan du secteur minier canadien est loin d'être reluisant: «Les sociétés canadiennes forment le groupe le plus significatif en ce qui concerne les incidents malheureux dans les pays en voie de développement.»  Selon le rapport, la plupart de ces incidents touche «le conflit communautaire». Cela est une façon polie d'exprimer ce que Mines Alerte Canada, Amnistie internationale, et Human Rights Watch ont documenté: des meurtres et viols par des agents de sécurité embauchés par les entreprises canadiennes.

Le rapport fait pour PDAC discute aussi du grand nombre d'incidents concernant des effets environnementaux néfastes. Un exemple clé est la mine d'or Porgera de Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Une commission d'enquête indépendante entreprise pour le fonds de pension de la Norvège est arrivée à la conclusion que cette mine crée des dommages environnementaux pour la population locale, notamment à cause de la contamination de la rivière adjacente avec de l'arsenic. À la suite de l'enquête, la Norvège a retiré son investissement de 229 millions de dollars.

Si la Norvège a un mécanisme formel pour assurer l'imputabilité de ses investissements, le Canada n'en a pas. En 2008, Exportation et développement Canada (EDC), qui est l'organisme de crédit à l'exportation du gouvernement du Canada, a appuyé un volume d'activité de 13,8 milliards de dollars de quelque 300 entreprises du secteur minier. Malgré le fait que EDC a un Code d'éthique commercial et un agent chargé de la conformité, il n'existe pas de mécanisme formel qui lie EDC à faire enquête sur les plaintes ou à couper les fonds si une entreprise ne se met pas en conformité du Code.

Ce mercredi, la Chambre des communes aura l'occasion de remplir cette lacune en votant pour le projet de loi C-300 proposé par le député libéral John McKay et appuyé par le NPD et le Bloc québécois. Cette législation établirait des lignes directrices en matière de droits de la personne et la protection de l'environnement pour établir quelles sociétés minières canadiennes ayant des projets à l'étranger sont éligibles au financement par des organismes fédéraux.

Le projet de loi crée un processus pour recevoir des plaintes sur les opérations minières à l'étranger. Ce processus protégerait les minières contre les plaintes futiles, vexatoires ou entachées de mauvaise foi. Il leur donnerait une occasion de répondre à une plainte et de corriger la situation avant que le ministre puisse établir une détermination de non-conformité. Une telle détermination signalerait la fin du financement par EDC ou l'Agence canadienne de développement international. Néanmoins, une société en non-conformité pourrait se remettre en conformité et redevenir éligible au financement.

Le projet de loi C-300 exige la reddition des comptes, et par les sociétés minières canadiennes qui bénéficient du financement fédéral, et par le gouvernement fédéral qui offre ce financement. La seule sanction envisagée est le retrait par le gouvernement du financement avec une déclaration publique de non-conformité. Cette législation mettrait en vigueur une recommandation unanime d'une commission d'enquête établie par le gouvernement fédéral sur laquelle PDAC ainsi que l'Association minière du Canada et des sociétés minières individuelles ont été représentées. Elle suivrait l'exemple des États-Unis, qui ont récemment adopté une loi qui exige que leur équivalent de EDC soit imputable pour la mise en vigueur des standards en matière de droits de la personne et de l'environnement.

Le projet de loi C-300 sera adopté uniquement si les députés libéraux votent en faveur. Ce parti vient d'annoncer sa politique «Canada dans le monde» qui cherche «à accroître le niveau de responsabilité environnementale et à promouvoir le respect des droits de la personne.» Puisque le projet de loi va dans le sens de cette politique, voter contre serait un recul pour les libéraux.

Nous saurons bientôt si la Chambre des communes peut résister au puissant lobby des sociétés minières et restaurer la feuille d'érable au drapeau canadien.

* MM. Janda et Fox-Decent sont professeurs à la faculté de droit de l'Université McGill; Mme Gendron est titulaire de la chaire de responsabilité sociale et de développement durable à l'UQAM.