La Cour d'appel a donné raison en partie à Lola dans son litige contre son ex-conjoint, un riche homme d'affaires. L'exclusion des conjoints de fait de l'obligation alimentaire, mais non de biens matrimoniaux brime leur droit constitutionnel à l'égalité. Qu'Éric ou le gouvernement en fasse appel ou non, le jugement nous invite à reconnaître l'incohérence du droit actuel et les réalités familiales de la société québécoise.

La Cour d'appel a donné raison en partie à Lola dans son litige contre son ex-conjoint, un riche homme d'affaires. L'exclusion des conjoints de fait de l'obligation alimentaire, mais non de biens matrimoniaux brime leur droit constitutionnel à l'égalité. Qu'Éric ou le gouvernement en fasse appel ou non, le jugement nous invite à reconnaître l'incohérence du droit actuel et les réalités familiales de la société québécoise.

Sous le droit actuel, l'union de fait n'engendre ni droit ni obligation d'un conjoint envers l'autre, et cela, quelle qu'en soit la durée. En revanche, dans toute autre province canadienne, une obligation alimentaire peut survenir après la rupture d'une union de fait.

Certes, au Québec, tout parent a une obligation alimentaire envers son enfant. Mais cette obligation prend fin lorsque l'enfant est élevé. D'ailleurs, elle n'indemnise pas un conjoint pour la perte économique occasionnée par la relation ou par sa rupture.

L'exclusion totale des conjoints de fait du droit familial s'accorde-t-elle avec nos valeurs fondamentales? Pour y répondre, il faut relire l'histoire récente attentivement.

En 1980, le législateur entreprend une grande réforme du droit de la famille. Il rejette alors une proposition pour reconnaître une obligation alimentaire entre des conjoints de fait. La justification, à l'époque, est de garder un espace de liberté pour ceux qui désirent vivre leur intimité hors de tout cadre juridique.

En 1989, le législateur renforce le régime protecteur qu'entraîne le mariage. L'expérience a montré que la liberté contractuelle produit des effets néfastes pour les femmes mariées et que trop d'entre elles se trouvent appauvries après l'échec du mariage. Le législateur réduit donc la liberté contractuelle en élargissant les effets obligatoires du mariage.

Avec le recul, peut-être est-il possible de réconcilier cette histoire avec l'absence de régime pour les conjoints de fait. La société québécoise, dira-t-on, souhaite garder un espace non réglementé pour ceux qui le veulent. C'est seulement lorsqu'est fait le choix de se marier que s'applique le cadre lourd du régime matrimonial, au contenu largement non négociable.

Cette lecture fait toutefois abstraction du contexte social. En faisant du libre choix l'intérêt primordial de la réglementation familiale québécoise, on risque de sombrer dans l'anachronisme.

Aux moments des réformes, l'union de fait était une forme familiale minoritaire. Des pressions sociales poussaient les Québécois à se marier. La très grande majorité des enfants naissaient de parents mariés. Le législateur a alors renforcé le régime matrimonial en sachant que son geste toucherait la majorité des familles avec enfants.

De nos jours, les choses se sont transformées. Que ce soit suite au rejet de la religion ou pour d'autres raisons, la vie en union de fait est devenue socialement acceptable, voire normale. Plus du tiers des couples québécois vivent aujourd'hui en union de fait. Plus de trois enfants sur cinq naissent hors mariage.

Garder une option minoritaire moins réglementée est une chose. Mais permettre à des développements sociaux de dépasser le droit familial, au point où son régime central ne s'applique plus aux foyers qui accueillent la majorité de nos enfants, en est une autre.

Chose paradoxale, la société québécoise se dit progressiste en politique familiale. On vante partout le congé parental et les garderies à 7$ par jour. Ces programmes témoignent d'un choix de partager les coûts résultants de la reproduction sociale.

Cependant, en laissant les conjoints de fait à l'abri de tout mécanisme, le droit québécois nie les dépendances, souvent liées au soin des enfants, qui résultent des relations conjugales.

Ce n'est pas dire que hors du mariage, point de salut. Mais reconnaissons que notre législateur n'a jamais débattu longuement de la façon de conjuguer l'instinct protecteur du droit matrimonial avec les nouvelles réalités démographiques de la société québécoise.

Quoiqu'en soient les détails de la réponse gouvernementale, espérons qu'elle reconnaît à la fois les valeurs fondamentales et les réalités concrètes de la société québécoise.