En 2009, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel, dépassant la Russie qui dispose, faut-il le rappeler, des plus grandes réserves prouvées de gaz naturel. Cette situation est due à la ruée des sociétés américaines sur le gaz non conventionnel qui compte aujourd'hui pour 50% de la production gazière américaine.

En 2009, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de gaz naturel, dépassant la Russie qui dispose, faut-il le rappeler, des plus grandes réserves prouvées de gaz naturel. Cette situation est due à la ruée des sociétés américaines sur le gaz non conventionnel qui compte aujourd'hui pour 50% de la production gazière américaine.

Au Canada comme aux États-Unis, la production gazière en 2025 sera articulée autour des gaz non conventionnels (schiste, gaz avare et méthane de houille) dans une proportion des deux tiers comparativement à un tiers pour le gaz classique.

En la matière, le rachat par Exxon de la société XTO Energy (Houston) au coût de 41 milliards de dollars en 2010 a renforcé la vague de fusions et acquisitions qui se poursuit depuis cinq ans. Le motif avoué de cette importante fusion est d'acquérir la technologie d'exploitation du gaz de schiste pour ensuite l'implanter partout au monde où les indices d'exploitation sont prometteurs. D'autres s'efforcent donc de prendre le train en marche. Royal Dutch Shell (RDS) vient de racheter East Resources Inc. au coût de 4,7 milliards de dollars US, et la société française Total a créé une coentreprise à la hauteur de 32,5% avec la compagnie gazière américaine Chesapeake Energy. De son côté, Chevron vient tout juste d'acquérir Atlas Energy, au coût de 4,3 milliards, ce qui augmentera de 38% ses réserves gazières.

À l'étranger, la Chine, par le biais de sa société CNOOC (China National Offshore Oil Corporation), a proposé à Chesapeake une offre de 2,2 milliards de dollars destinée à faciliter l'exploitation du bassin Eagle Ford (Texas). Même la Russie se dit prête à investir plus de 1 milliard de dollars dans Chesapeake, alors qu'il n'y a  pas si longtemps encore, elle dénonçait l'exploitation du gaz de schiste comme étant dangereuse. Selon l'hebdomadaire Oil & Gas Journal, les fusions acquisitions en matière de gaz de schiste se sont élevées à 21 milliards de dollars durant les années 2008 et 2009, tandis qu'un autre 21 milliards de dollars est venu s'y ajouter au cours des six premiers mois seulement de l'année 2010. Au total, c'est à plus de 65 milliards de dollars que l'on évalue, depuis  les derniers cinq ans, les acquisitions et projets de coentreprise dans le gaz de schiste. Les dés sont donc jetés.

Ainsi, Exxon négocie avec la Hongrie pour exploiter les bassins Mako et Benes, avec la Pologne pour les bassins de Podlasie et de Lublin, avec l'Allemagne pour les ressources gazières  en Basse Saxonie, sans parler de ce qui se passe en Australie, au Canada, en Chine, en Inde ou en Asie centrale (Kazakhstan). Chevron et Conocophillips ne sont pas en reste. La première société s'intéresse à la Bulgarie et à la Pologne, et la seconde, à la Pologne, au Canada, à la Norvège, à l'Indonésie, à la Chine et au Kazakhstan. Selon le département de l'Énergie, l'exploitation des gisements de gaz de schiste devrait progresser au rythme de 5,2% par année d'ici à 2035.

Le 17 novembre 2009, les États-Unis et la Chine ont signé l'Initiative américano-chinoise sur les ressources en gaz de schiste (U.S.-China Shale Gas Resource Initiative), dont les ambitions sont de favoriser une meilleure évaluation des ressources gazières en Chine, des investissements accrus ainsi que le développement d'une coopération technique approfondie.

Une initiative semblable mais plus diversifiée et orientée vers le développement des énergies propres vient d'ailleurs d'être annoncée, à la suite du voyage en novembre 2010 du président Barack Obama en Inde: le développement commun d'un Centre de recherche et de développement des énergies propres (Joint Clean Energy Research and Development Centre). Ce projet mettra sans doute à contribution le USGS (United States Geological Survey) qui tentera d'évaluer par des méthodes sophistiquées le potentiel des principaux bassins schisteux de l'Inde (les réservoirs de Camby au Gujarat, de Gondwana en Inde centrale et de Assam-Arakan au nord-est du pays).

Le jeu des grandes sociétés pétrogazières

Si le gaz de schiste est destiné à faciliter une phase de transition énergétique caractérisée par l'abandon progressif des énergies fossiles au profit du gaz naturel ou d'autres énergies plus propres ou plus vertes, il est logique de penser que les sociétés pétrolières veuillent assurer leurs arrières, en investissant massivement dans les schistes. Mais c'est plutôt le rythme d'une transition possible et souhaitable - qui peut être retardé ou accéléré selon les circonstances - que les sociétés souhaitent probablement mieux contrôler.

L'amalgame inattendu entre les intérêts gaziers et pétroliers qui est en train de se produire n'est ni une malédiction ni une promesse d'avenir pour la planète. Il se trouve tout simplement que c'est le puissant lobby pétrogazier qui va en sortir renforcé. D'où la nécessité pour les pouvoirs publics de rester vigilants quant aux activités exercées par ces sociétés.

Chose certaine, l'exploitation du gaz de schiste est un enjeu primordial qui changera la donne énergétique. Entre-temps, il est loisible de penser qu'une pause de deux ou trois ans s'impose, d'ici à ce que les études entreprises par l'EPA, ou encore par les États comme la Pennsylvanie et New York, soient publiées. Il est absolument nécessaire de baliser l'avenir du gaz de schiste.

L'industrie gémira un peu, mais aucune société ne peut poursuivre durant longtemps encore l'exploitation du gaz de schiste alors que le prix du marché oscille autour de 3,50$US le 1000 pieds cubes. La reprise n'aura lieu qu'en 2014 et 2015, avec un taux de croissance du marché du gaz aux alentours de 2,5% par année, alors qu'il se situe aujourd'hui autour de 1,5%. Cela donne un peu de temps pour réfléchir...