Dans son texte, Luc Beauregard, fondateur du cabinet de relations publiques National, s'en prend plutôt violemment à tous ceux qui attaquent «les personnes en autorité désignées pour diriger les entreprises et les personnes élues par la population».

Dans son texte, Luc Beauregard, fondateur du cabinet de relations publiques National, s'en prend plutôt violemment à tous ceux qui attaquent «les personnes en autorité désignées pour diriger les entreprises et les personnes élues par la population».

M. Beauregard fustige en particulier les experts, professeurs d'université et éthiciens autoproclamés, les groupes d'intérêts, les syndicats, les journalistes, les sondages, les commentateurs, les souverainistes. Bref, tous les méchants qui veulent chasser le gouvernement actuel pour prendre sa place, peu importe, dit-il, les conséquences funestes, sans compter tous ces irresponsables qui veulent créer une commission d'enquête qui salirait inconsidérément les réputations, déchirerait et paralyserait le Québec pour une autre décennie, rien de moins.

Ouf! Cela fait bien du monde. Plus de la moitié du Québec. Et qui est cet accusateur? Un grand démocrate? Non. Un businessman qui a fondé un cabinet de relations publiques spécialisé dans la fabrication d'images et qui a fait fortune en conseillant, entre autres, les politiciens du Parti libéral. Un de ces « spécialistes en communication » qui semble croire que la politique se résume à vendre un produit comme on vend une voiture, en cachant ses défauts et en flattant le consommateur.

Ce type de business étouffe la démocratie dans ce qu'elle a de plus précieux: l'information libre et fouillée (journalistes et experts confondus), une opposition toujours sur la brèche, la dénonciation des abus, la condamnation des abuseurs et, surtout, la participation citoyenne, qui s'exprime par les fameux groupes d'intérêts que M. Beauregard voudrait tellement éliminer.

Une fois débarrassés de tous ces empêcheurs de tourner en rond, on voit se profiler la démocratie que le cabinet National souhaite. National choisirait les politiciens «vendables», c'est-à-dire dociles, charismatiques et médiatiquement acceptables. Puis National fabriquerait un programme tout aussi vendable, puis National offrirait des élections clé en main, avec une campagne calquée sur celle de McDonald's ou de Stella Artois.

À bien y penser, ceci fonctionne déjà. Mais voilà que récemment, des méchants ont signé une pétition, des méchants réclament une enquête parce que nous payons deux fois trop cher pour des travaux de construction, des méchants cherchent la vérité, des méchants veulent que leurs impôts soient gérés plus honnêtement. Et cela fait mal à National, qui n'est plus capable de colmater la brèche en rédigeant des discours insipides pour ses clients politiciens. National a perdu le contrôle de ses «consommateurs». J'imagine que National souhaite que son fondateur saura remettre à leur place tous ces méchants démocrates.

Puis-je vous conseiller, M. Beauregard, de relire Alexis de Tocqueville? Ce Français, venu étudier la démocratie en Amérique, attribue la vitalité de nos institutions démocratiques à la force des groupes d'intérêts et à la liberté d'expression. Un grand danger de la démocratie, actuellement, c'est le pouvoir des firmes de relations publiques (comme National), qui, derrière leurs vitres teintées, se font payer pour vendre à des citoyens endormis des programmes et des politiciens qui ne visent que leur réélection.