Le débat sur la laïcité soulève parfois les passions, en France comme au Québec.

Le débat sur la laïcité soulève parfois les passions, en France comme au Québec.

Ici, on débat sur le projet de loi 94 et la laïcité ouverte. Là-bas, dans plusieurs villes et communes, on célèbre aujourd'hui la fête de la laïcité, le 105e anniversaire de la Loi de séparation de 1905. Par exemple, on plantera l'Arbre de la laïcité à 11h dans les jardins de l'hôtel de ville de Cognac. Selon la presse, pour l'ensemble des intervenants de cette journée, il s'agit de défendre la liberté de conscience ainsi que «le vivre ensemble», dans le respect des croyances.

Toutefois, ce vivre ensemble ne se retrouve pas partout. Ainsi, à La Ferté-Saint-Cyr (Loir-et-Cher), dans la nuit du 4 au 5 décembre, des individus s'en sont pris à la crèche de Noël installée devant la mairie. La contestation des crèches de Noël refait surface à l'occasion. Ainsi, le Tribunal administratif d'Amiens vient d'annuler au nom du principe de laïcité une décision du conseil municipal de Montiers, qui avait décidé en 2008 d'installer une crèche de Noël sur la place. Le nouveau maire refuse cependant de démonter ladite crèche et la fait déplacer le long du cimetière de la commune. Selon le requérant victorieux, «a laïcité ne s'aménage pas» et «il faut traquer ses atteintes partout où elles se trouvent. La religion doit rester dans le domaine du privé».

Cette décision du tribunal administratif va en sens contraire d'une autre de la Cour suprême américaine qui a accepté en 1984 qu'une municipalité du Rhode Island puisse installer une crèche de la Nativité lui appartenant dans un parc public (Lynch c. Donnelly). L'arrêt d'Amiens a soulevé de nombreuses protestations, dont celle d'un lecteur: «Ça me dégoute!  La France est par tradition catholique.  Je ne suis pas croyant, mais merde... vive Noël, le marché de Noël, les églises dans nos villages.»

En janvier 2010, le Tribunal administratif de Rennes a annulé la subvention accordée par le conseil général du Morbihan (4500 euros !) pour la réalisation du socle de la statue de Jean-Paul II à Ploërmel. Les juges ont considéré que «la liberté de conscience» et «la neutralité du service public à l'égard des cultes» n'ont pas été respectées: la statue de Jean Paul II, érigée «sur une place publique», présente un « caractère ostentatoire » du fait que la croix qui la surplombe est «le symbole de la religion chrétienne».  

À Nice, le conseil municipal vient aussi de voter une subvention de 7600 euros pour défrayer le sculpteur ayant réalisé un buste de Jean-Paul II; les défenseurs de la laïcité se préparent aussi à contester la résolution devant le tribunal administratif.

L'intolérance, plutôt que la laïcité ouverte, conduit à des positions radicales quant à l'utilisation de l'espace public par les confessions religieuses ou pour montrer des signes religieux.

Ainsi, en novembre 2009, les Suisses ont voté par référendum à 57 % pour l'interdiction de tout minaret sur leur territoire. L'affaire a été portée devant la Cour européenne des droits de l'Homme qui l'entendait il y a quelques semaines. Invoquant les articles 9 et 14 de la convention, les requérants soutiennent que l'interdiction constitutionnelle de construction de nouveaux minarets en Suisse constitue une violation de la liberté religieuse des musulmans et une discrimination en raison de leur religion.  

Devant la cour, le European Center for Law and Justice a plaidé que le référendum suisse, tout comme l'interdiction du voile islamique, constituent des désaveux de la conception pluraliste, tolérante et multiculturelle de la liberté religieuse ; conception qui a prévalu depuis la Seconde Guerre mondiale dans l'interprétation de l'article 9 de la convention.

On croirait lire le rapport Bouchard-Taylor.