Le 8 décembre 2010. Montréal se relève non sans difficulté de sa première bordée de neige qui a surpris un peu tout le monde. Sous la terre, notre métro ne se rend pas trop compte qu'un autre hiver vient de commencer. Il roule. Il continue de transporter Montréal.

Le 8 décembre 2010. Montréal se relève non sans difficulté de sa première bordée de neige qui a surpris un peu tout le monde. Sous la terre, notre métro ne se rend pas trop compte qu'un autre hiver vient de commencer. Il roule. Il continue de transporter Montréal.

Je constate par ma fenêtre que ma rue a revêtu son habit de neige. Aujourd'hui, je fais partie des gens chanceux qui peuvent travailler sans devoir quitter la maison. Mais demain, je dois sortir. Je me rends sur le site web de la STM à la recherche de l'information sur la suspension du service d'autobus réguliers pour les gens se déplaçant en fauteuil roulant. Je me suis fait prendre l'année dernière. La STM a une règle voulant que l'accès aux autobus réguliers soit suspendu pour les usagers en fauteuil roulant tant et aussi longtemps que tous les arrêts de l'île de Montréal ne sont pas déneigés. Je l'ai appris au coin d'une rue bien déneigée dans Rosemont. Six jours après une tempête.

Étrangement, je ne trouve rien sur le site, malgré le fait que le service est sans aucun doute suspendu pour les usagers en fauteuil roulant ! Le métro roule. Sans moi évidemment. Il n'y a que trois stations accessibles à Montréal. Je n'ai donc d'autres choix que de réserver le transport adapté pour mes déplacements de demain.

Lorsque je réussis finalement à avoir la ligne, je donne mon parcours de la journée. Avec le transport adapté, il n'y a pas de place à la spontanéité, tout doit être prévu à l'avance. Du point A au point B et pas question d'arrêter prendre un café au point C avec une amie. Quelques minutes après avoir réservé mes déplacements, j'apprends que les transports pour des motifs de loisirs et d'ateliers sont annulés pour la journée.

Le système de transport adapté a cette particularité de diviser les déplacements de ses usagers par motifs : travail, études, santé, loisirs et ateliers. Le système de réservation par internet ne permet pas d'identifier la raison des déplacements. Lorsque l'on réserve par téléphone, le préposé ne nous demande pas le motif de notre déplacement, faisant en sorte qu'il est automatiquement considéré comme du loisir ! Personnellement, je choisis toujours de ne pas spécifier le motif de mon déplacement. C'est une question de vie privée, tout simplement. Déjà que je dois indiquer l'adresse où je désire me rendre. Imaginez si vous deviez dire au changeur du métro l'endroit de votre destination afin que l'on vous laisse passer. C'est ça le transport adapté. C'est ça le quotidien de milliers de gens.

Bien consciente de la possibilité de voir mes déplacements annulés le lendemain à cause qu'ils sont catégorisés comme des loisirs, je recontacte la STM et dis que je dois me déplacer pour mon travail. La seule option s'offrant à moi afin de pouvoir obtenir un service de transport public à Montréal deux jours après une tempête de 32 centimètres.

La problématique de l'inaccessibilité du réseau régulier, et particulièrement celle du métro, prend des ampleurs encore plus dramatiques en hiver. Alors que plusieurs Montréalais optent pour le métro les lendemains de tempête, les gens qui ne peuvent y accéder réalisent doublement à quel point l'inaccessibilité du réseau souterrain limite leur droit à la mobilité. Mais ça, on en parle très peu.

Il est tout à fait normal qu'une tempête de neige ralentisse notre ville. Toutefois, le ralentissement de la vie prend des proportions démesurées pour les usagers du transport adapté. Il se transforme plutôt en isolement total.

Des gens sont isolés chez eux parce que notre hiver a pour eux des conséquences dramatiques. Pendant ce temps, la STM passe sous silence la suspension du service pour des milliers de ses usagers et continue de tweeter fièrement qu'il n'y a pas d'interruption importante du service de métro...