En annonçant la fermeture de son usine de l'Assomption à quelques jours de la fin d'une année économique plutôt positive, Electrolux est venue nous rappeler qu'il ne faut rien tenir pour acquis. Tout au long de l'année, nous nous étions réjouis au Québec de notre taux de chômage inférieur à celui de nos voisins américains et même ontariens.

En annonçant la fermeture de son usine de l'Assomption à quelques jours de la fin d'une année économique plutôt positive, Electrolux est venue nous rappeler qu'il ne faut rien tenir pour acquis. Tout au long de l'année, nous nous étions réjouis au Québec de notre taux de chômage inférieur à celui de nos voisins américains et même ontariens.

Ce bilan enviable en matière d'emplois, nous le devons en partie à la chance. À la chance de ne pas abriter, comme en Ontario, un secteur automobile obligé de se restructurer en profondeur. À la chance aussi d'avoir vu le cours des métaux que nous exportons se rétablir rapidement, grâce à l'appétit insatiable de la Chine. Le gigantesque plan de réfection de nos infrastructures routières toujours en cours a certes aidé, mais il faudrait se rappeler que ce plan a été lancé avant même que la crise n'éclate, en réponse surtout à l'effondrement du viaduc de la Concorde entre Montréal et Laval, en 2006. Et puis, nous avons la chance de vivre avec des taux d'intérêt davantage adaptés à la réalité d'un marché immobilier américain en crise qu'à celle d'un marché local continuant de défier la loi de la gravité.  

Dans un tel contexte, l'annonce de 1300 mises à pied à L'Assomption allait évidemment constituer un choc.  

Le secteur des électroménagers dans lequel oeuvre Electrolux est l'exemple même d'une industrie dont l'organisation et la stratégie se veulent continentales. Les appareils qui sortent de l'usine de L'Assomption sont destinés au vaste marché nord-américain à l'intérieur duquel nous ne représentons qu'un faible pourcentage des ventes. Les électroménagers sont lourds et leur transport sur de longues distances implique des coûts importants. On a qu'à regarder la carte des noeuds routiers et ferroviaires pour comprendre que L'Assomption n'est pas dans la même ligue que Memphis où Electrolux entend maintenant se relocaliser.  

Pourquoi donc Electrolux a-t-elle attendu 24 ans avant de s'apercevoir de cette réalité? Les subventions que lui offre la ville de Memphis ne nuisent certainement pas, mais disons-le franchement, c'est la valeur du dollar canadien qui constitue le principal argument de vente de la ville d'Elvis. Ce qu'Electrolux vient de nous rappeler, c'est que nous avons beau vivre avec les mêmes taux d'intérêt faibles que les Américains, il y a quelque chose qui nous différencient d'eux: notre dollar.

Lorsque Electrolux s'est installée à l'Assomption, le dollar canadien ne valait que 75 cents américains et au cours des années qui suivirent, sa valeur est même descendue à un niveau aussi bas que 62 cents. Si le taux de change s'établissait aujourd'hui au point milieu entre ces deux taux, les 19 $ CAN payés aux ouvriers de L'Assomption chaque heure représenteraient moins que les 13,50 $ US qui seront payés par Electrolux aux ouvriers de Memphis. À parité, c'est une tout autre affaire. L'exemple d'Electrolux s'applique malheureusement à beaucoup d'entreprises manufacturières installées au Québec.

Les Européens ont longtemps cru que pour partager un même marché, il fallait aussi partager la même monnaie. En Amérique du Nord, nous avons fait le pari contraire. L'année écoulée renvoie Européens et Nord-Américains dos à dos. Si les Grecs trouvent difficile la discipline requise pour vivre en union monétaire avec les Allemands, les Canadiens découvrent de leur côté qu'il ne faut pas moins de discipline lorsqu'on partage un marché hautement compétitif avec les Américains.  

Pour que l'appel d'Elvis ne soit pas entendu par un nombre croissant d'entreprises manufacturières, nous devrons éviter la complaisance et redoubler d'efforts sur le front de la compétitivité.